Aujourd’hui c’est la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle. Les règles, ce sujet encore tabou est pourtant très important. Dans les camps de réfugié·e·s de Cox’s Bazar, à la frontière entre le Bangladesh et la Birmanie, les filles et les jeunes femmes rohingya en exil, souffrent de l’insalubrité, du manque d’hygiène, d’espaces sécurisés et intimes pour aller aux toilettes et de protections hygiéniques, pour avoir leurs règles dignement. Témoignages.
« Pendant mes règles, je suis obligée de rester assise au même endroit pendant 6 ou 7 jours parce je n’ai ni serviettes hygiéniques ni vêtements de rechange et aucun endroit propre et sûr pour me changer. La nuit, je vais derrière les buissons avec ma mère, qui tient une serviette autour de moi pour que je puisse me changer à l’abri des regards. » Senowara, 15 ans, réfugiée dans le camp de Cox’s Bazar
« Je suis obligée de rester assise au même endroit pendant 6 ou 7 jours parce que je n’ai pas serviettes hygiéniques. »
Les règles font partie du quotidien des jeunes filles et des femmes du monde entier, et bien que chaque expérience soit différente, certaines choses ne changent pas : les menstruations ne sont pas agréables, souvent douloureuses et contraignantes et le sujet reste tabou.
Les adolescentes rohingya vivant dans les camps sont des filles comme les autres, elles ont leurs règles une fois par mois qui s’accompagnent de crampes, de montées d’hormones et des difficultés à gérer son hygiène corporelle.
Mais pour ces jeunes femmes, il est infiniment plus compliqué de gérer leurs menstruations dans les camps surpeuplés, rudimentaires et insalubres de Cox’s Bazar. Elles se retrouvent confrontées à des normes culturelles qui les stigmatisent en période de règles car le sujet est tabou et à un manque constant de protections hygiéniques, de vêtements de rechange, d’eau pour se laver pour éviter les infections, de médicaments antidouleurs, de toilettes sûrs et propres, et d’endroits où jeter leurs protections usagées.
Elles luttent pour obtenir des protections hygiéniques
« Quand nous sommes arrivées, ils n’avaient rien pour nous. »
Dans les camps, une économie du partage s’est mise en place. Les filles qui manquent de protections hygiéniques s’entraident et se partagent leurs produits, mais les pénuries sont fréquentes, et elles doivent souvent rationner le peu de matériel qu’elles se partagent.
Les équipes de Plan International à Cox’s Bazar ont rencontré des adolescentes dans les camps afin de mieux comprendre comment elles arrivent à gérer leurs règles malgré les difficultés rencontrées dans les camps.
En Birmanie (Myanmar), les filles utilisent des serviettes hygiéniques ou des vêtements réutilisables pendant leurs règles. Les serviettes hygiéniques que leur achètent leurs mères coûtent 500 Kyat birmans (40 centimes de dollars). La tradition birmane veut que les filles enterrent leurs protections hygiéniques usagées dans des trous, généralement très loin de l’habitat familial.
Dans les camps, les filles dépendent beaucoup des protections hygiéniques et vêtements de rechange fournis par les ONG. Les serviettes hygiéniques sont excessivement chères dans les camps (près de 20 fois plus chères que dans le reste du pays), et pas immédiatement accessibles.
Quand ces adolescentes sont arrivées dans les camps, il n’y avait aucun produit disponible pour leurs règles, elles ont dû emprunter des produits les unes aux autres, utiliser les mouchoirs ou tout autre protection précaire qui leur passait sous la main, ou juste saigner et tâcher leurs vêtements et sous-vêtements.
« Quand nous sommes arrivées, ils n’avaient rien pour nous. Parfois on utilise les serviettes, mais parfois on doit utiliser nos vêtements pendant nos règles », explique Nurankis, 15 ans.
Les femmes menstruées n’ont pas le droit de sortir ou parler avec des hommes
« Si un homme est assis sur un des matelas, on n’a pas le droit de s’assoir dessus. »
Les traditions culturelles autour des règles en Birmanie et au Bangladesh sont très différentes de ce à quoi les filles et les femmes occidentales sont habituées. Les premières règles des filles sont un évènement très important qui signifie qu’elles sont devenues des femmes en âge d’enfanter et cela va drastiquement changer leur vie au quotidien.
Quand une fille rohingya a ses règles pour la première fois, cela signifie la fin de son cursus scolaire. Pendant toute la durée de ses règles, elle n’a pas le droit de quitter la maison. Son confinement et sa disparition de la vie publique sont des signes qu’elle est « devenue une femme », elle sera donc traitée différemment par la communauté. Pendant leur confinement, toutes les tâches domestiques leur sont attribuées.
Nur Nahar, 15 ans, raconte que dans la culture Rohingya, les femmes menstruées n’ont pas le droit de sortir ou d’être en interaction avec des hommes. Elles doivent rester assises sur de vieux tapis et se cacher si un homme entre dans la maison.
« La première fois qu’on a nos règles, on ne peut pas parler aux hommes. Si un des hommes de la famille vient nous rendre visite, ma famille leur dit que je ne suis pas là et je dois aller me cacher », explique Nur Nahar.
« Si un homme est assis sur un des matelas, on n’a pas le droit de s’assoir dessus. On doit rester sur des vieux tapis. Nous n’avons pas non plus le droit de nous peigner les cheveux. »
Dans les camps, le plus gros problème pour les filles est le manque de produits hygiéniques. Jusqu’à présent, elles se répartissent le peu qu’elles ont. Avec l’absence de médicaments, elles sont obligées de subir leurs crampes et autres douleurs liées aux règles.
« Nous devons cacher nos souffrances. Ou juste nous occuper des tâches ménagères jusqu’à ce que les douleurs s’en aillent. On ne parle presque jamais de notre douleur », ajoute Rohana, 16 ans.
Un besoin urgent d’hygiène et d’aide médicale dans les camps
Un peu plus loin dans une autre tente, Jahida, 17 ans, raconte qu’elle souhaiterait vraiment avoir accès à des antidouleurs contre ses très fortes crampes pendant ses règles.
Pendant mes règles j’éprouve des douleurs horribles.
« J’ai mes règles seulement une fois tous les deux-trois mois, mais pendant mes règles j’éprouve des douleurs horribles. C’est tellement intense, c’est insoutenable, mais je n’ai aucun médicament pour me soulager », nous dit Jahida.
« J’ai besoin de médicaments contre la douleur parce que je suis condamnée à rester allongée, et attendre des jours que les crampes passent. »
Jahida ne quitte pas sa tente, à part pour aller aux toilettes très tôt le matin, à l’heure où il n’y a pas grand monde, à l’abri des regards masculins. Sa mère l’aide à maintenir son hygiène corporelle pendant ses menstruations. Jahida met ses protections hygiéniques usagées dans du papier, qu’elle donne ensuite à sa mère qui va creuser des trous et les enterrer, très loin de leur tente.
La gestion des déchets dans le camp est un problème grave et récurrent. Les filles sont parfois obligées de jeter leurs serviettes hygiéniques dans les latrines, qui ne sont pas équipées à cet effet. D’autres suivent encore la tradition de donner leurs protections usagées à leur mère ou à une femme de leur cercle familial pour qu’elle les enterre, une tradition qui endommage fortement l’environnement au long terme.
Comme beaucoup de jeunes femmes dans le camp, Jahida aimerait que des kits d’hygiène soient distribués. Pour le moment, elle doit payer ses serviettes hygiéniques, qui représentent une énorme dépense pour sa famille, qui n’a aucun revenu.
Presque collée à la tente de Jahida vit Shajeda,19 ans, avec son bébé de 9 mois. Shajeda n’a pas ses règles, grâce à un implant contraceptif qu’elle a reçu dans une clinique en Birmanie. Mais elle craint que l’implant ne fasse plus effet et qu’elle doive à nouveau s’occuper de ses menstruations, et retomber enceinte.
« J’ai eu des injections pour ne pas avoir d’enfants, mais depuis que j’ai eu mon bébé, j’ai déjà eu mes règles une fois », nous confie-t-elle.
Plan International est à l’écoute de l’histoire de chacune d’entre elles, et distribue actuellement 10 000 kits d’hygiène menstruelle, ou « kits de dignité » dans les camps de Cox’s Bazar. Le kit inclut des serviettes réutilisables lavables, afin d’éviter la pénurie, de ne plus boucher les toilettes et de respecter l’environnement.
Les filles sont au cœur des programmes d’urgence de Plan International car elles sont les plus vulnérables.