Avec les violences et les persécutions religieuses qui touche les musulmans rohingya en Birmanie, plus de 700 000 personnes ont dû fuir depuis 5 ans. Pour celles et ceux qui sont resté·e·s, le premier défi reste l’accès à l’éducation. Sur place, Plan International permet aux enfants de retourner à l’école et propose un projet éducatif inclusif pour avancer vers la paix.
Faute d’enseignant·e·s, les écoles restent fermées
En Birmanie, les Rohingya ne peuvent pas se déplacer librement et ont un accès limité à l’éducation, aux soins de santé, et aux emplois. L’ONG Plan International se mobilise pour leur venir en aide, avec le soutien de l’Agence suédoise de coopération pour le développement international. Notre objectif : permettre aux enfants et aux jeunes non scolarisé·e·s d’aller à l’école et introduire la tolérance religieuse dans les programmes scolaires pour construire la paix par l’éducation.
Dans l’État de Rakhine, dans l’ouest de la Birmanie, les tensions entre bouddhistes et musulmans sont fortes et les scènes de violence sont courantes. La plupart des Rohingya n’ont pas de pièces d’identité, ils ne sont pas libres de voyager et ne sont même pas considérés comme citoyen·ne·s. Travailler à la construction de la paix dans cet environnement est difficile, mais l’éducation doit être le premier pas vers une résolution du conflit.
Soe, 12 ans, et son ami Khin jouent au football avec d’autres enfants dans la cour en gravier à l’extérieur de l’école de leur village. Depuis que le conflit entre bouddhistes et musulmans s’est intensifié, il est difficile de faire venir des enseignant·e·s dans cette petite école. Beaucoup d’enseignant·e·s bouddhistes refusent de travailler dans les écoles de villages musulmans.
« J’ai quitté l’école à 9 ans. Je voulais aller à l’école publique mais le professeur n’est jamais venu et nous avons été forcés d’abandonner. Je ne suis resté qu’un an à l’école », raconte Soe.
Cependant, les deux enfants ont repris espoir et ils se rendent maintenant tous les jours au centre de jeunesse mis en place par Plan International pour apprendre à lire, à écrire et à compter. Pendant la classe, les élèves discutent également de leurs droits et de la manière de pacifier les relations entre communautés. Quand on leur demande s’ils peuvent jouer avec des enfants d’autres religions, leur réponse est un « oui » enthousiaste.
« Nous jouons au football avec les enfants bouddhistes. Personne n’est menacé et il n’y a pas de discrimination. Nous nous sommes juste croisé et nous avons décidé de jouer ensemble », expliquent les garçons. Des paroles apaisées, rares dans la région. Pour beaucoup d’autres enfants, cette situation semble impossible.
Les centres de jeunesse de Plan International dispensent des cours aux enfants
Pour atteindre le petit village des deux enfants, le seul moyen est de traverser la rivière en bateau. D’un côté, une forêt verte recouvre les petites montagnes, de l’autre des rizières sèches s’étalent sur la plaine. Ici et là, des enfants jouent dans la rivière pendant que leurs mères lavent leurs vêtements ou récoltent de l’eau.
À l’entrée du village, après un chemin sur une berge escarpée, est installé le centre de jeunesse de Plan International. Le bâtiment est toujours en construction, mais cela n’a pas empêché les enfants et le personnel de commencer les cours.
Phyu a 20 ans et a grandi dans le village. Pendant les deux derniers mois, elle a suivi une formation pour devenir « leader jeunesse » avec Plan International. Avec d’autres jeunes de son village, elle anime maintenant deux séances par jour au cours desquelles les enfants apprennent à lire, écrire et compter. Presque tou·te·s les enfants du village s’y sont inscrits, beaucoup d’entre eux et d’entre elles n’avaient jamais été scolarisé·e·s.
« La plupart des gens ici sont très pauvres, ils ont un faible niveau d’éducation. La plupart du temps, nous ne sommes pas autorisé·e·s à nous déplacer. Même une femme qui accouche ne peut pas aller à l’hôpital », explique la jeune femme.
En effet, les communautés rohingya sont autorisées à se rendre dans les villages musulmans mais ne peuvent pas passer par des villages bouddhistes. Depuis 2012, une autorisation des autorités est nécessaire pour voyager, même dans des situations d’urgence, il est rare de l’obtenir. Cette situation complique largement l’accès à l’éducation, aux soins de santé ou aux emplois et pour les jeunes, il devient impossible d’accéder à l’éducation supérieure.
Les restrictions de déplacements limitent aussi les occasions de rencontres, renforçant la ségrégation entre les religions. Les communautés se craignent les unes les autres et ne peuvent pas envisager de vivre côte à côte en paix.
Un projet éducatif inclusif pour comprendre l’autre
Pour répondre aux besoins urgents d’éducation et pour contribuer à une société plus pacifique, Plan International est présent aussi bien dans les villages musulmans que bouddhistes. Nos centres sont ouverts à toutes et tous pour apprendre aux enfants les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul afin de les préparer à gérer leur vie quotidienne.
« Beaucoup d’enfants ne parlent pas le birman, la langue majoritaire, ce qui les empêche d’échanger avec les autres. Ils ne savent même pas lire les chiffres inscrits sur nos pièces de monnaie et peuvent facilement se faire avoir », explique Phyu.
Le respect et la compréhension de l’autre sont au cœur de notre projet éducatif afin de construire une paix durable. Il s’agit de permettre aux enfants de comprendre leurs droits, de respecter les opinions des autres et d’assumer la responsabilité de ce qu’ils et elles font et disent.
« Les enfants vont chercher des similitudes au sein de leur groupe. Quel nourriture aiment-ils ? Quelles couleurs ? », décrit Phyu. « Ils discutent de sujets qui font ressortir leurs points communs. Nous espérons que plus tard ils et elles développeront des relations avec d’autres personnes d’autres groupes, d’autres villages et d’une autre religion. »
Monika Kolomaznikova est spécialiste de l’éducation dans les zones conflits pour Plan International en Birmanie. Elle souligne l’importance d’un processus lent et méthodique.
« Mon expérience m’a appris qu’il est préférable de commencer les discussions en mettant l’accent sur la communauté et en leur faisant partager leurs propres expériences. Les enfants doivent se connaître eux-mêmes. Comment peuvent-ils et peuvent-elles gérer les conflits eux-mêmes et elles-mêmes, avec leurs parents, la communauté et finalement entre les communautés ? Lentement, nous élargissons leurs perspectives. »
Pour Monika, il ne doit pas y avoir de pression mise sur les enfants, tout doit dépendre de leur volonté. Ce n’est qu’ainsi que pourra se construire un lien durable entre personnes de différentes religions : « Il s’agit de changer les mentalités, leur faire réaliser que les autres aussi ont des sentiments et des problèmes et les aider à se comprendre. »