Adama Sacko, conseiller en santé et membre du conseil de son village, a décidé de lutter contre l’excision à la suite de l’accouchement dramatique de sa fille excisée. Pour obtenir l’adhésion de toutes et tous, il s’est appuyé sur les informations données depuis plusieurs années par Plan International dans son village au Mali.
Aujourd’hui, même s’il a été imposé une amende aux personnes qui font encore exciser leur fille (elles doivent donner un coq ou un sac de noix), Adama considère que cette pratique est abolie de son village.
À cause de son excision, l’accouchement de ma fille s’est très mal passé
Je suis le cinquième enfant de ma mère Rokia. J’ai 50 ans et j’ai deux épouses. Avec ma première épouse, j’ai eu quatre filles, et avec la deuxième, une autre fille, M’Pène, âgée de 4 ans.
Mes quatre filles aînées sont déjà mariées et ont toutes subi une excision. Ma troisième fille a eu un accouchement très difficile lors sa première grossesse. Pour sauver l’enfant, les médecins ont dû l’inciser et elle a été déchirée gravement.
Mon petit-fils a maintenant plus de 2 ans et ma fille n’est toujours pas enceinte d’un deuxième enfant. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle a peur d’accoucher de nouveau ou si c’est simplement parce qu’elle a du mal à tomber enceinte. Les filles ne parlent pas de ce genre de choses avec leurs pères.
Plan International nous informe des conséquences de l’excision sur la santé des filles
Je pense que la pratique de l’excision devrait être éradiquée. En tant qu’expert en santé, j’entends toutes sortes d’histoires des villageois et, croyez-moi, les souffrances, souvent non exprimées, sont considérables.
Dans le passé, les mutilations génitales féminines étaient un sujet tabou ; on n’en parlait pas. Moi-même, j’étais d’avis de ne pas l’interdire, mais ma fille m’a fait changer d’avis. Je dois aussi rendre hommage aux ONG telles que Plan International qui n’ont jamais abandonné et qui sont venues dans notre village à maintes reprises pour diffuser informations et explications.
Ces informations nous ont aidé à plaider en faveur de l’abolition de l’excision lors de discussions en famille. Pour convaincre ma propre mère, je lui ai plusieurs fois rendu visite à son retour des champs et nous avons échangé tous les deux tranquillement. Peu à peu, elle a commencé à comprendre. L’accouchement très difficile de ma fille, sa petite-fille, a été finalement ce qui l’a le plus influencée.
Nous avons réussi à convaincre les hommes du village
L’imam du village et moi-même pensons la même chose, ce qui est un atout considérable. Ensemble, nous organisons des réunions d’information à la mosquée.
Certains hommes du village ont des opinions conservatrices, ils craignent que leurs filles ne fassent des bêtises si elles ne sont pas excisées. Alors, je leur explique le risque d’hémorragie suite à une excision et les graves complications lors de l’accouchement. Cependant, il n’est pas facile de les convaincre. Mais, c’est pour moi juste une question de patience et de persévérance, il faut argumenter encore et encore.
Heureusement, le chef de notre village est également d’accord avec nous. Dans le passé, il a refusé d’en parler, mais il a également changé d’avis depuis qu’il a reçu les informations appropriées. Il a même imposé une amende aux personnes qui font encore exciser leur fille : elles doivent donner un coq ou un sac de noix de cola ; mais jusqu’à présent, ça n’a pas été nécessaire.
Aujourd’hui, ça fait plus de 3 ans qu’une fille n’a pas été excisée dans le village, mais ce changement a pris de nombreuses années.
Pour la plupart des hommes, la question de savoir si une femme est excisée n’est pas un problème. Au cours de la campagne de communication, nous avons appris qu’une femme non excisée ressent plus de choses, ce que nous, les hommes, considérons comme positif.
Nous espérons que d’autres villages suivront notre exemple
Le prochain défi auquel nous sommes confrontés concerne le mariage de nos filles avec des hommes d’autres villages, où les mutilations génitales sont encore d’usage. Une famille peut rejeter une fille si elle n’est pas excisée, au motif qu’elle pourrait ne pas être assez vertueuse. C’est pourquoi il est si important que la campagne de communication ne se limite pas à notre village.
En réalité, nous devrions publier une déclaration générale au nom de l’ensemble de notre village selon laquelle nous avons aboli les mutilations génitales féminines. Comme ça, ce sera clair pour les prétendants et leurs familles. »