En Guinée, 97 % des filles de 15 à 49 ans sont excisées. Une pratique ancrée depuis de nombreuses générations dans les rituels d’initiation dédiés aux jeunes filles pour passer à l’âge adulte. Pour lutter contre ces mutilations génitales féminines, Plan International a lancé, en Guinée, le projet : « Sauvons les filles de l’excision ».

« Depuis des siècles, les filles sont amenées en forêt pour être formées et excisées. C’est un fondement essentiel de la culture. Nous avons donc décidé de conserver cette tradition initiatique, mais d’en enlever l’excision. »

Pourquoi les filles sont excisées ?

guinee rites alternatifs contre excision

En Guinée, les pratiques les plus courantes sont l’ablation partielle du clitoris et l’ablation totale du clitoris. L’excision fait partie de rites d’initiation, non seulement pour le passage de l’enfance à l’adolescence et à l’âge adulte des filles, mais également pour préparer la jeune fille à la vie active au sein de certaines communautés.

Les filles non excisées sont en effet souvent la cible de moqueries, voire de discriminations.

Les filles et les femmes sont généralement excisées en groupe de filles issues de familles différentes, soit à domicile dans la majorité des cas, soit dans des camps prévus à cet effet, avec ou sans cérémonies et festivités, selon les coutumes locales et la décision des parents. Il y a de plus en plus une réduction des célébrations collectives autour de l’excision et une augmentation des excisions individuelles, par souci de discrétion, compte tenu des sanctions encourues. L’excision de nourrissons ou de fillettes est plus aisée à dissimuler aux autorités que l’excision de groupes de filles accompagnées de festivités.

Pour la première fois, un rituel de passage sans excision

Dans le district de Niandou, le rite de passage en forêt qui s’achève pour ces 24 jeunes filles est d’un tout nouveau genre : pour la première fois, il se passe sans excision. Ces jeunes filles peuvent enfin ressortir du bois, indemnes.

Une stratégie que Plan International Guinée est la seule à mettre en œuvre dans le pays. Et avec un succès certain. Début 2018, plus de 1 000 filles ont déjà participé à ces rites alternatifs dans la zone du projet. 19 districts ont officiellement abandonné l’excision, par la signature des accords de rejet de l’excision, la mise en place de structures de surveillance et de rites alternatifs comme celui-ci.

« Au début, ça m’a fait bizarre de ne plus couper les filles lors des initiations »

rites alternatifs guinee

Les formatrices – qu’on appelle plus communément les « Sema » – continuent de former les jeunes filles lors des rituels alternatifs, mais ne pratiquent plus l’excision.  Madame Jeanne est une des ces anciennes exciseuses repenties. Elle est désormais active aux côtés de Plan International dans la lutte contre l’excision en Guinée Forestière. 

« Au début, ça m’a fait bizarre de ne plus couper les filles lors des initiations », déclare Philomène Ouendeno, une autre Sema, qui était autrefois l’exciseuse du village.

Pour elle, l’arrêt de l’excision ne fut pas si simple au début. Mais elle reconnaît aujourd’hui les bénéfices des rituels alternatifs sans violence : « ce n’était pas facile car jusqu’alors, je recevais du riz et de l’huile pour mon travail. Mais je sais que la bonne décision a été prise. L’excision, les coups, la violence… tout cela n’apportait rien de positif. Les initiations en forêt étaient des moments violents. Certaines filles ne recevaient pas de nourriture, certaines étaient battues. Tout cela a changé, mais nous gardons l’essentiel des apprentissages culturels, et cela me tient à cœur », explique-t-elle.  

Respecter et valoriser les cultures locales

« Initier les filles en forêt est une coutume ancestrale ici », explique Raphael Kourouma, assistant chef du projet « Sauvons les filles de l’excision » de Plan International Guinée.

 « Depuis des siècles, les filles sont amenées en forêt pour être formées et excisées. C’est un fondement essentiel de la culture. Nous avons donc décidé de conserver cette tradition initiatique, mais d’en enlever l’excision », poursuit-il.

Les rituels alternatifs mis en place par Plan International ont à cœur de respecter et de maintenir les coutumes locales. C’est d’ailleurs grâce à cette approche que les rituels alternatifs sont aussi approuvés par les communautés locales.

Comme nous l’explique Raphael Kourouma, « ces rites nous permettent de valoriser la culture des communautés tout en les faisant évoluer vers une meilleure protection des filles. Cette approche est très appréciée des communautés car les valeurs culturelles locales restent enseignées. Les familles n’ont pas l’impression d’être attaquées dans ce qu’elles ont de plus cher. »  

« Elles chantent surtout leur reconnaissance d’avoir pu préserver leurs filles de l’excision »

Guinée rites alternatifs pour ne plus exciser les jeunes filles

Lors de ces rituels initiatiques, les jeunes filles passent environ une semaine dans la forêt, accompagnées d’une dizaine de Sema, et apprennent les us et coutumes de leur communauté, les chants, les danses, les rites, les plats, le tissage, les conseils d’hygiène personnelle et d’attitudes à avoir dans le village. 

A la sortie du bois, lors de la cérémonie de fin du rituel, les filles et les femmes chantent : « nous étions dans l’obscurité, nous sommes désormais dans la lumière. » Un symbole de la sortie du rituel et de la forêt, mais pas seulement. 

« Elles chantent surtout leur reconnaissance d’avoir pu préserver leurs filles de l’excision », nous explique Madame Jeanne. « Maintenant, toutes vont traverser le village en chantant et rejoindre les hommes pour célébrer cette belle initiation. Elles sont fières ! »

« Ce que j’ai préféré, ce sont les chansons, les danses et les leçons de cuisine », nous raconte en souriant Sagbé âgée de 8 ans, la fille d’une des Sema.  « J’ai aussi adoré apprendre à faire des tresses », poursuit-elle. 

Et le fait de ne pas avoir été excisée ? « C’est grâce au camp que j’ai appris que cela existait avant. On n’en avait jamais parlé. Quand j’ai appris ça ici, ça m’a fait de la peine pour ma maman. Mais je suis contente qu’on ne me l’ait pas fait. »

« Nous engager contre l’excision ne fut pas chose facile »

Le chef du district, Fara Papa Kourouma, nous explique le combat difficile qu’a mené le village contre l’excision : « nous engager contre l’excision ne fut pas chose facile », se rappelle-t-il. « Au début, certains villages voisins nous causaient des ennuis, nous traitaient de bilakoro, d’impurs, de Guinéens vendus à l’étranger. Mais petit à petit, eux aussi ont rejoint cette cause. Ils voient bien que nous voulons le bien de nos filles et que nous ne renonçons pas à notre culture. »

Les études réalisées en Guinée ont montré que les hommes sont de plus en plus favorables à l’abandon de l’excision. Ce qui signifie que le rôle des hommes dans la mise en œuvre de ce projet est prépondérant.

Des convictions plus fortes que la tradition

Finda Iffono, cheffe de projet sur les mutilations génitales féminines Plan International Guinée

Finda est cheffe de projet sur les mutilations génitales féminines chez Plan International Guinée.

Pour elle, lutter contre l’excision ne fut pas simple non plus. Tout commence lors de son accouchement. Elle réalise ce jour-là qu’elle est « une victime de l’excision. »

Elle décide alors que sa nièce de 8 ans ne doit pas, elle aussi, subir cette mutilation. Le problème est que sa grand-mère est une exciseuse notoire du village. Et lorsque sa mère apprend par hasard qu’elle lutte désormais contre les excisions, la menace tombe : « ton village est conservateur de la pratique et ta grand-mère occupe un rang de taille dans le rituel de l’excision. Lorsqu’elle apprendra la nouvelle, ils nous tueront tous ! ». 

Finda ne se démonte pas et tente de la convaincre : « L’excision est une violence, j’en suis victime. Lorsque l’on meurt en voulant sauver une vie, ça en vaut la peine. »

Quotidiennement, auprès de sa communauté et au sein de Plan International, Finda fait la promotion de l’abandon de l’excision. C’est le combat de sa vie, rythmé par une certitude : sa petite fille de 2 ans ne subira jamais l’excision ! 

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