En Sierra Leone, Isatu a été excisée à 10 ans et mariée de force à 13 ans. Ensuite, sa famille l’a forcée à être elle-même exciseuse. Elle a réussi à changer sa vie et à abandonner la pratique le jour où elle a rencontré une militante de Plan International. Aujourd’hui, à 15 ans, elle se bat pour que l’excision soit éradiquée dans son pays.
Forcée de devenir exciseuse à 11 ans
« J’ai été excisée quand j’avais 10 ans. Il y a eu une grande fête ce jour-là. Dans mon pays, on célèbre l’excision car on dit que vous êtes devenue « propre » et que vous n’êtes plus la même que celles qui ne sont pas excisées. Donc pour cela, on cuisine, on danse, et on est heureux », raconte Isatu.
En Sierra Leone, il n’y a pas de lois qui interdisent les mutilations génitales féminines, comme l’excision. Dans la province du Nord du pays, 96,3 %* des filles subissent ces pratiques.
« Mes parents sont décédés pendant la crise d’Ebola en 2015. Après, je suis devenue Sowei (exciseuse) quand j’avais 11 ans, mais je n’ai pas voulu l’être. Ma famille m’a forcée. Je savais que l’excision entraine de lourdes conséquences voir même la mort. C’est pour cela que je ne voulais pas être Sowei », poursuit Isatu.
Un jour, elle a assisté à une formation anti-excision organisée par la militante Madame Rugiatu Neneh Turay. Cela a tout bousculé dans sa vie. Isatu a abandonné la pratique de l’excision pour devenir à son tour militante.
Abandonner la pratique et se battre contre l’excision
« J’ai réussi à persuader certaines exciseuses d’arrêter de cette pratique. »
C’est avec le soutien de l’ONG Plan International que Madame Neneh, la mentor d’Isatu, a créé son organisation anti-excision a 22 ans et forme une nouvelle génération de militant·e·s.
« Si je n’avais pas assisté à la formation de Madame Neneh, je ne serais pas la militante que je suis aujourd’hui. Avant de la rencontrer, je n’aurais jamais pensé pouvoir faire une différence. Je ne suis plus la même que j’étais il y a quelques années. Maintenant, je suis capable de beaucoup de choses, je peux sortir, parler et sensibiliser la population, je n’aurais jamais pensé pouvoir le faire. »
À travers le projet « Rompre le silence », Plan International a convaincue de nombreuses exciseuses d’abandonner la pratique dans les régions de Port Loko et Bombali. Deux endroits du Nord de la Sierra Leone où les taux de prévalence de l’excision sont les plus élevés.
Le travail d’Isatu porte ses fruits : « Quand je rencontre les autres Soweis de mon âge, je leur parle des conséquences néfastes de l’excision et partage avec elles tout ce que j’ai appris. J’ai réussi à persuader certaines d’entre elles d’arrêter de cette pratique. J’en suis très fière ! »
Sensibiliser la communauté
« Je ferai de mon mieux pour protéger les filles. »
Le projet de Plan International facilite également les discussions avec les chefs religieux, les chefs de villages et toutes les personnes influentes au sein des communautés afin de mieux sensibiliser les habitant·e·s aux méfaits des mutilations génitales féminines.
« Parler d’excision n’est pas facile. Je subis des réactions très fortes de la part de personnes qui ne souhaitent pas que l’excision soit éradiquée. Certains me disent des choses très violentes. Mais je ne me laisse pas faire car que je sais que mon combat est juste. Je pense qu’on devrait écouter les gens de mon âge. Nous savons ce qui est bon pour nous. »
La police locale et les leaders communautaires reçoivent également une formation afin de garantir que les filles soient protégées contre les dangers de la pratique.
« Ma fille a 2 ans, je ne la laisserai jamais être excisée. Si quelqu’un essaye la couper, je l’attaque en justice. Il n’y a aucun moyen que je le permette.
J’espère, pour son avenir, qu’elle ira à l’école. Si j’avais pu rester à l’école, j’aurais adoré être professeure. Mais j’ai dû tout abandonner quand je suis devenu Sowei. Je ne veux pas que ma fille ait la même vie que moi.
Comme j’ai aussi été touchée par le mariage précoce, je ne veux pas que cela lui arrive non plus, ni à d’autres filles. Je ferai de mon mieux pour les protéger ! », conclut Isatu.
*Source – Sierra Leone Demographic and Health Survey 2013