Lors de la journée Internationale des Filles deux membres du Plan des Jeunes se sont entretenues avec deux invitées engagées pour la défense des droits des filles : Emma Camara, Directrice de Emma & Camara Communications et Fatoumata Gassama à l’origine du projet « Ubuntu ».
Emma Camara, qu’avez-vous pensé de cet événement dans sa globalité ?
« L’événement à l’UNESCO a permis de mettre en avant des figures, de femmes et d’hommes qui travaillent sur le terrain. On a pu bénéficier de leurs retours et de leurs expériences très concrètes. J’ai notamment été très touchée par l’intervention et le témoignage de Wahabou, qui a affirmé : « je suis un homme et je suis un féministe ». Je pense que l’égalité hommes-femmes et filles-garçons passe par un combat collectif et par une appropriation commune de ces thématiques. J’ai apprécié ce panel. »
Emma, vous êtes entrepreneuse en communication en Guinée, quel lien faites-vous entre cet événement et ce que vous faites ?
« Le lien premier que je fais est qu’en Guinée j’ai été frappé par des chiffres alarmants au niveau de l’excision, des mariages forcés ou précoces … en bref des violences faites aux femmes.
Spontanément j’ai décidé de faire beaucoup de sensibilisation. D’abord en mettant en valeur celles qui le font déjà très bien, comme le Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée. Ensuite, à mon humble niveau, j’essaie de faire un maximum. Pouvoir former des jeunes filles aux métiers du digital, un domaine qu’on réserve plutôt aux hommes alors qu’on sait très bien que les filles aussi peuvent coder, me semble être une manière de lutter contre les inégalités de genre et de permettre aux filles et aux femmes de s’exprimer.
En ce moment, on est en train de réaliser des vidéos qui seront diffusées sur les réseaux sociaux mais aussi via les médias, en particulier les chaines de télé, afin de tirer la sonnette d’alarme. Le but est de démontrer que beaucoup de violences sexistes et sexuelles sont punis par la loi et que même si elles font parties des traditions il faut maintenant passer à la vitesse supérieure.
L’éducation des femmes a non seulement un impact positif sur leur santé mais également sur le développement du pays puisque cela permet de lutter contre la pauvreté notamment, ce que les panelistes ont bien mis en avant d’ailleurs. Donc après la sensibilisation, je pense que la formation est un levier important dans ce combat.
Je crois à la formation, je crois aussi en une justice forte qui doit sévir. En Guinée la loi interdit beaucoup de choses, mais au niveau des mentalités on peine encore à changer les choses. Avec l’Etat et la société civile, on peut y arriver. Le chemin est très long mais je reste optimiste. La justice doit donner des exemples. Mettre au cœur de ce combat, la communication et les hommes».
Fatoumata, comment avez-vous entendu parler de l’événement à l’UNESCO organisé en l’honneur de la Journée internationale des filles. Pourquoi y avez-vous participé ?
« Au départ, il s’agissait d’une invitation de Plan International France. La fondation m’a contacté car elle soutien mon projet « Ubuntu » en lien avec la lutte contre les violences faites aux filles.
Il ne s’agit pas de ma première fois à l’UNESCO, mais aujourd’hui je m’y rends pour un événement qui parle des filles du monde entier et de leurs droits, c’est très important pour moi. Ça a été non seulement très intéressant d’y participer sur un plan personnel mais c’est également essentiel pour mon projet d’assister à ce genre d’événement et de voir comment se structure la défense des droits des filles au niveau international. J’ai pu constater que les mentalités sont vraiment en train de changer et ça me fait plaisir de me dire que j’y participe. »
Parlez-nous de votre projet, quel est le message que vous souhaitez délivrer à travers ce dernier ?
« L’idée de la création du projet UBUNTU a émergée alors que j’avais 19 ans. Je faisais un service civique et j’ai commencé à m’intéresser à la question des mutilations génitales féminines (« MGF ») et notamment à la question de l’excision. Ayant des personnes concernées par ces mutilations dans mon entourage, je connaissais déjà l’existence de ces pratiques mais c’est à ce moment que j’ai décidé d’agir à mon échelle. Le but du projet est d’informer et de sensibiliser les gens sur ces pratiques. J’ai donc crée plusieurs outils. Le premier est une exposition qui explique, de manière très pédagogique, en quoi consiste ces mutilations. Le but ici n’est pas de marquer les esprits en choquant le public, sans quoi l’exposition n’aurait pas pu être utilisée auprès d’un public jeune, cœur de cible de mon projet. L’objectif est d’expliquer aux jeunes, mais aussi aux adultes, en quoi consiste réellement ces mutilations et les conséquences que celles-ci peuvent avoir sur les filles et les femmes qui en sont victimes. Le second outil est un jeu de société qui est actuellement en cours d’élaboration et qui aura pour objectif de pousser les jeunes à la réflexion sur cette thématique. J’interviens partout où je peux intervenir, dans les structures de jeunesse, les lycées et groupes hospitaliers pour faire de la sensibilisation et pour que le message soit entendu. »
Quel est lien que faites-vous entre votre exposition et l’égalité de genre ?
« Le lien le plus évident entre les MGF et les inégalités liées au genre est que contrairement à la circoncision, fréquemment évoqué comme équivalent masculin des MGF, ces pratiques ont un très fort impact sur la santé des femmes et sur leur vie sexuelle. Par ailleurs, l’excision des jeunes filles est souvent liée à la pratique des mariages forcés et précoce, ce qui implique la plupart du temps une déscolarisation à un très jeune âge. Or, si une fille arrête d’étudier trop tôt elle a toute les chances de devenir complétement dépendante d’un homme. Donc selon moi, lutter contre l’excision et les MGF, c’est aussi lutter contre l’arrêt des mariages forcés, pour l’éducation des filles et donc pour l’égalité entre les filles et les garçons. »
Diane Nyessi et Mariama Diallo, membres du Plan des Jeunes