Au Niger, pays où le taux de mariage d’enfants est le plus élevé au monde selon l’UNICEF, une association de filles et de femmes lutte depuis 2020 pour garantir l’accès à la santé et à l’information sur les droits sexuels et reproductifs.
L’Association des Jeunes Filles pour la Santé de la Reproduction dans la lutte contre les violences de genre
Aujourd’hui âgée de 30 ans, Kadiatou s’intéresse aux droits sexuels et reproductifs depuis qu’elle est jeune. « Je suis née féministe. Tout ce qui met une femme mal à l’aise me révolte. C’est quelque chose avec lequel nous vivons depuis notre enfance. J’ai été témoin de mauvais traitements. »
« La santé reproductive est un sujet tabou. Mais les filles ont des droits sexuels et reproductifs, elles doivent les connaître et les promouvoir. »
Kadiatou
L’Association des Jeunes Filles pour la Santé de la Reproduction (AJFSR) organise des campagnes de sensibilisation, des sessions de formation et de discussion pour les filles à travers tout le pays. Elle compte actuellement 120 membres, toutes filles et femmes, âgées de 15 à 35 ans, unies par un engagement commun à promouvoir la sensibilisation et le respect de la santé et des droits sexuels et reproductifs .
« Je veux me battre pour défendre les droits des femmes et des filles. »
Kadiatou
Cette association a reçu le soutien de Plan International, dont un financement de 4 700 euros . Grâce à cette aide, l’AJFSR a formé 30 filles leaders dans 3 écoles de Niamey, et a mis en place un club de santé sexuelle et reproductive dans chacune de ces écoles.
« Les directeur·rices d’école ont contacté les parents pour obtenir leur accord. Cela a permis d’éviter tout malentendu. Autrement, nous aurions pu avoir des problèmes », explique Kadiatou, présidente de l’association, en ajoutant que trois superviseur·euses ont également été formé·es. « Les jeunes membres très motivé·es, ont élaboré des plans d’action pour faire valoir les droits sexuels et reproductifs. »
Les dirigeant·es organisent des discussions entre filles, et encouragent également des dialogues ouverts pour les garçons, entre autres sur la santé menstruelle. L’un des clubs a réussi à obtenir la construction de toilettes séparées entre les filles et les garçons et a organisé leur nettoyage avec le soutien des superviseur·euses.
Parler de santé sexuelle et reproductive n’est pas facile au Niger. Ces difficultés ont été abordées avec les filles lors de leur formation. « Les jeunes sont conscient·es des risques et sont maintenant prêt·es à surmonter les difficultés qui peuvent survenir lors des sessions de sensibilisation et savent gérer calmement les comportements négatifs », explique Kadiatou.
En général, les filles font face à des réactions de ce genre tous les jours. « Souvent, ce sont des insultes. Nous ne répondons pas. Nous nous concentrons uniquement sur les aspects positifs pour atteindre nos objectifs. »
Les filles de l’AJFSR sont unanimes sur le fait que leur engagement est courageux mais à leurs yeux, ce qu’elles font est essentiel.
« À notre époque, nous devons parler de santé sexuelle et reproductive. Nous ne sommes plus au temps de nos parents. Le harcèlement sexuel est en hausse et ce n’est pas le moment de se taire »
Aminatou
Informer et sensibiliser les filles et les femmes sur leurs droits en temps de crise
Les filles veulent continuer à soutenir les 3 clubs scolaires, mais pour se faire, l’association cherche des sources de financement supplémentaires. Elles souhaitent notamment étendre le projet aux régions touchées par les conflits et l’insécurité alimentaire.
Kadiatou estime que la priorité aujourd’hui au Niger, et en particulier dans les zones touchées par la crise, n’est pas seulement l’accès à l’information, mais aussi la possibilité d’accéder à des services de santé sexuelle et reproductive de qualité. « Nous devons accroître la demande et l’offre de services de santé sexuelle et reproductive. »
« Les réfugié·es et les personnes déplacées ont parfois l’impression qu’elles et ils n’ont pas le droit de se rendre dans les centres de santé de leur communauté d’accueil et craignent les préjugés. Nous devons construire une relation de confiance et former les professionnel·les de santé pour que les jeunes réfugié·es bénéficient de soins convenables », déclare Kadiatou.
Les taux de violences sexuelles et de mariages forcés augmentent en période de crise, mais même lorsque des services sont disponibles, la peur de la stigmatisation est un obstacle qui empêche de nombreuses filles et femmes d’accéder à ces soins.
« Intervenir dans les zones touchées par la crise est quelque chose que nous pouvons et voulons faire », appuie Kadiatou. Selon elle, ce sont les jeunes qui devraient mener ces activités de sensibilisation et de plaidoyer. Pour qu’elles et ils puissent participer à la mise en lumière des besoins croissants en matière de droits sexuels et reproductifs en contexte de crise. « Je ne suis pas réfugiée mais en tant que fille, je peux imaginer leurs besoins particuliers dans ce contexte. »
Depuis sa création, l’association organise des activités de sensibilisation auprès des personnes déplacées et des camps de réfugiés dans la région de Tillabéri, où les besoins sont grands. « Ces filles sont extrêmement exposées aux violences de genre. Lors de nos dernières discussions, des parents et des filles nous ont dit qu’il y avait beaucoup d’abus sexuels dans la région », explique Kadiatou.
La crise dans la région du Sahel a des conséquences particulièrement fortes pour les filles et les femmes. Selon le Projet 21 dirigé par le Haut Commissariat des Réfugiés et le Conseil danois pour les réfugiés, 18 % des personnes interrogées en janvier et février 2023 au Burkina Faso, au Mali et au Niger étaient au courant de cas de violences sexistes et sexuelles dans leurs communautés au cours du dernier mois.