14 avril 2024
Les catastrophes, les sécheresses, les inondations, l’insécurité alimentaire… Partout dans le monde, les effets du changement climatique se font de plus en plus sentir. Mais ce que l’on dit moins, c’est que ces crises ne touchent pas tout le monde de la même façon. Bien qu’elles soient parmi les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre, les filles et les femmes, notamment dans les pays en difficultés, en première ligne des conséquences de cette crise. Pourquoi ? Et que peut-on faire ? Eclairage avec Plan International France.
Le changement climatique, un amplificateur des inégalités de genre
Dans beaucoup de régions du monde, les filles et les femmes assurent gratuitement une grande partie du travail domestique: aller chercher de l’eau, collecter du bois, cultiver la terre, s’occuper des enfants ou des personnes âgées. Lorsque les ressources naturelles se raréfient à cause des sécheresses, des inondations ou de la déforestation, leur charge de travail explose. Les efforts physiques intenses altèrent la santé, surtout en période de fortes chaleurs, et augmentent l’exposition à la violence sur les trajets – la disparition des ressources pouvant entraîner des tensions entre les communautés. Surtout, les kilomètres supplémentaires pour aller chercher de l’eau ou du bois remplacent alors les heures de classe.
Quand la crise climatique prive les filles d’école… et pousse les familles à les marier contre leur gré
L’éducation est souvent affectée par le changement climatique,. La perte de terres agricoles, de bétail ou de revenus pousse de nombreuses familles à prioriser les besoins les plus urgents : se nourrir, se loger, survivre. Dans ce contexte, ce sont les filles, qui en premier lieu, sont retirées de l’école, leur éducation étant perçue comme moins rentable en comparaison à celle des garçons.
Ce retrait du système scolaire peut s’expliquer par plusieurs facteurs : les filles sont mobilisées pour aller chercher de l’eau, s’occuper des tâches domestiques ou travailler pendant que les parents cherchent à compenser les pertes économiques. En outre, l’absence de toilettes séparées, propres, sécurisées et disposant de protections menstruelles empêche de nombreuses filles de gérer leurs règles dans de bonnes conditions. Conséquence : elles manquent l’école pendant leurs menstruations.
Mais la rupture scolaire pour une fille n’est pas sans conséquence : plus elles restent longtemps hors du système éducatif, plus elles sont exposées au risque de mariage forcé avant leurs 18 ans. Pour certaines familles en situation de grande précarité, marier leur fille représente une stratégie de survie : c’est une bouche en moins à nourrir ou une façon d’obtenir une compensation économique, comme une dot.
Ce phénomène a été observé de manière récurrente dans les pays les plus touchés par les catastrophes climatiques. Au Bangladesh, les années où une vague de chaleur a duré plus de trente jours, le nombre de mariages de filles de 11 à 14 ans a augmenté de 50 %, selon une étude publiée en 2023 par la revue International Social Work. Au Pakistan, les pics de mariages d’enfants ont coïncidé avec des inondations massives survenues en 2010. Le taux de mariage des filles âgées de 15 à 19 ans était passé de 10,7 % à 16 % l’année suivante, d’après une recherche réalisée par deux universitaires pakistanais.
Le changement climatique alimente les violences de genre
Lorsqu’une inondation, une sécheresse ou un cyclone frappe une région, les conséquences immédiates sont souvent dévastatrices : les écoles ferment, les centres de santé sont endommagés, les logements deviennent inhabitables. Les familles perdent une grande partie de leurs ressources et de leurs terres. Ce chao crée un terrain fertile pour les réseaux de traite des êtres humains ou d’exploitation qui profitent de la situation de détresse pour attaquer les plus vulnérables. Les filles, notamment les adolescentes, sont alors confrontées à des risques accrus : en étant déplacées de force à cause des crises climatiques, parfois séparées de leur famille, sans école ni espace sécurisé, elles deviennent alors des cibles faciles.
Dans les camps de déplacé·e.s ou les abris d’urgence, le manque d’intimité, l’absence parfois de mesures de protection et la promiscuité augmentent le risque de violences sexuelles ou d’exploitation.
Le lien entre changement climatique et violences de genre existe partout, notamment en Europe. Une étude publiée en 2018, menée dans la Communauté de Madrid, montré que les vagues de chaleur augmentent le risque de violence conjugale.
Les filles, actrices de l’action climatique
Face à cette crise mondiale, les filles ne sont pas seulement des victimes du changement climatique. Elles sont aussi des actrices puissantes du changement. Partout, elles s’engagent pour protéger l’environnement, adapter les pratiques agricoles ou trouver des solutions locales aux effets du changement climatique. Mais pour qu’elles puissent pleinement jouer ce rôle, encore faut-il qu’on leur donne les moyens d’agir.
C’est ici qu’intervient la notion d’action climatique inclusive. Répondre à la crise climatique de manière inclusive, cela signifie prendre en compte les besoins des filles et des femmes dans toute leur diversité dans toutes les politiques climatiques. Cela implique aussi de leur donner accès à l’information, à l’éducation, à la formation et aux espaces de décision. Trop souvent, leur voix sont absentes des négociations sur le climat, alors qu’elles vivent en première ligne les conséquences des bouleversements environnementaux. De nos jours, la participation des femmes aux négociations sur le climat n’atteint toujours pas la parité, la dernière COP28 comptant seulement 21% de femmes parmi les chef·fes de délégations des parties.
L’éducation au climat joue un rôle clé dans cette inclusion. C’est un levier fondamental pour renforcer la résilience des filles, les aider à anticiper les risques, à comprendre les enjeux et à s’adapter aux crises. Cette éducation leur permet aussi de développer des compétences concrètes : comprendre comment protéger les ressources naturelles, cultiver autrement ou construire des solutions durables au niveau local.
Plan International défend une action climatique qui soit non seulement plus équitable, mais aussi plus efficace. La transition écologique ne pourra pas se faire sans elles : il ne peut y avoir de solution climatique durable en ignorant la moitié de l’humanité. En plaçant les filles et les femmes au cœur des espaces de décisions, on construit un avenir plus durable pour tous·tes.