Le 6 Février dernier deux membres du Plan des Jeunes ont endossé le rôle de « jeunes reporters » lors de l’événement « Objectif Enfance ». Cet événement organisé à l’AFD par le Groupe Enfance à l’occasion des 30 ans de la Convention relative aux droits de l’enfant a été l’occasion d’aborder la prise en compte des droits de l’enfant dans la politique extérieure de la France.

Jeunes engagés, représentants d’ONG, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Agence Française de Développement ont échangé sur l’état des lieux des droits de l’enfant dans le monde ; ils se sont également interrogés sur les perspectives de prise en compte de ces droits dans la politique de développement et l’action humanitaire de la France.

 La Table ronde

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 est le traité international le plus ratifié par les États dans le monde, dont la France.

Cette convention a eu pour effet de donner une place aux droits de l’enfant sur la scène internationale. Pourtant, comme l’a rappelé Richard Morgan, directeur du plaidoyer de Plan International, lors de la table ronde d’Objectif Enfance, il est impératif pour l’État français de « réaffirmer la révolution engendrée par la ratification de la convention » et de ne pas se décourager face à la complexité des enjeux.

Pour Richard Morgan le fait que la question des droits de l’enfant soit à peine abordée lors des sommets internationaux pour le climat par exemple, démontre clairement l « invisibilité » des enfants face à ces questions et la difficulté d’interconnecter différents enjeux.

De nombreuses autres questions se posent lorsque l’on évoque la place de l’enfant et de ses droits dans les programmes de développement financés par la France.

Il ne s’agit pas d’être utopiste et de vouloir éradiquer du jour au lendemain toutes les inégalités subies par les enfants mais plutôt d’effectuer un travail en profondeur amorcé par la ratification de la CIDE. Pour cela, il faut s’appuyer sur trois leviers : d’une part, une implication effective et réelle des enfants et des jeunes dans la mise en œuvre des projets de développement en passant par une écoute accrue de ces derniers. D’autre part, en repensant l’approche de mise en place des garanties de protection des droits de l’enfant en fortifiant l’approche par les droits au lieu d’une approche par les besoins. Enfin, en mettant en place une approche par secteurs à travers une vue d’ensemble globale permettant ainsi une action locale efficace.

À la suite de cette table ronde nous avons eu l’occasion d’interroger les différents intervenant.e.s sur l’implication de la France dans le processus de protection des enfants tant au niveau national qu’international.

Stefanny, l’une des deux jeunes reporters du PDJ prend des notes.

L’Interview des intervenant·e·s

Question à Pierre SALIGNON, Responsable de la division des partenariats avec les organisations de la société civile à l’AFD :

Selon vous quel chemin nous reste-t-il encore à parcourir pour parvenir une protection efficace des droits de l’enfant ?

On revendique des droits pour les voir appliqués, dans le secteur de la santé par exemple c’est un droit prioritaire. Il ne suffit pas de revendiquer la question des droits de l’enfant, il faut par la suite le décliner en actions concrètes, en politiques publiques, en éléments de conviction ; c’est quelque chose qui s’apprend. Quels droits économiques, politiques et sociaux. C’est facile de dire que les droits de l’enfant sont prioritaires mais comment les applique-t-on ? Comment les définit-on ?

Comment faire émerger, dans un pays en développement qui fait face à de nombreuses problématiques, l’aspect prioritaire des droits de l’enfant ?

C’est une question de pédagogie. Il faut former pour ensuite voir émerger des politiques publiques cohérentes. Si les pays en questions prennent conscience de l’importance, en termes humains mais aussi en termes de développement, de respecter les droits de l’enfant alors nous avancerons.

Aujourd’hui on s’appuie encore trop sur l’approche par les besoins alors que l’approche par les droits est beaucoup plus effective. C’est ce que le Groupe Enfance veut mettre en avant.

Selon vous, quels impacts ont les bouleversements climatiques que nous subissons actuellement sur l’avancée effective du processus de protection des enfants dans le monde ?

Les enfants sont une population vulnérable et la manière dont nous pensons les impacts du changement climatique doit prendre en compte cette donnée. Ils doivent être au cœur de la problématique que ce soit en termes de droits, de besoin ou de services qui y sont adossés.

Il faut penser des stratégies de développement où le respect des droits de l’enfant est central.

Aïcha et Stefanny interrogent Pierre Salignon

Question à Stéphane Durin, directeur général d’ENEIS by KPMG et consultant pour le Groupe Enfance:

La France ne fait pas partie du Groupe d’États « Amis des enfants et des Objectifs de Développement Durable » des Nations unies, à votre avis pourquoi est-ce le cas ?

Je n’ai pas la réponse mais je trouve ça dommage car cela faciliterait beaucoup de choses si elle en faisait partie.

Par rapport à l’étude menée je peux dire que la France fait beaucoup de choses au niveau international au sujet de l’enfance mais également au niveau national. En effet, la France porte une politique de protection de l’enfance très forte en revanche c’est vrai que la question des droits de l’enfant ne fait pas partie des cadres de référence donc c’est peut-être une des explications. Il y a une protection de l’enfance via une approche par les besoins mais c’est vrai que l’approche par les droits n’est pas assez déclinée et concrétisée aujourd’hui : les enfants doivent participer à la concrétisation de leurs droits et pas seulement être spectateurs. L’approche par les droits est un gros chantier.

L’étude que nous avons réalisée a aussi permis de montrer que sur l’enfance et les stratégies sectorielles la France est très active mais on a du mal à avoir une approche structurée et holistique des droits de l’enfant en tant que tels.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est doté d’une stratégie depuis deux ans visant à faire des droits humains le point de départ et pas juste l’aboutissement de l’aide au développement mais c’est difficile car il existe  déjà des habitudes de travail.

Au vu du constat fait par l’étude, combien de temps pensez-vous que cela va prendre pour mettre en place de manière efficiente cette protection des droits de l’enfant ?

D’ici 5 ans on aura une stratégie enfance fondée sur les droits, avec des financements dédiés.

 Le principal enjeu c’est la participation des enfants dans ce processus et une véritable implication de la part des autres acteurs nationaux et c’est ce que l’on met en place.

Question à Laura LE FLOCH chargée de plaidoyer au Secours Islamique de France – Membre du groupe Enfance :

Pensez-vous qu’un jour toutes les injustices subies par les enfants seront totalement éradiquées tant au niveau national qu’international ?

A terme je ne pense pas, mais on peut essayer de les réduire le plus possible et de lutter contre les causes de violation de ces droits.

C’est un travail constant de renforcement des capacités des jeunes, des enfants afin qu’ils puissent exprimer leurs opinions mais aussi participer à la prise des décisions les concernant et revendiquer leurs droits. Il faut également renforcer les acteurs institutionnels pour qu’ils soient en mesure de garantir ces droits et être redevables de ces derniers.

Question à Chanceline, jeune activiste du Bénin :

Quelle conclusion tirez-vous de cette table ronde sur l’implication de la France dans le processus de protection des enfants ?

Déjà, je retiens que le système en place actuellement est basé sur une réponse au besoin de façon très précis et ponctuel. C’est un système basé sur le principe de charité qui ne couvre pas réellement les problèmes à la racine.

La faute n’est pas à l’AFD ni aux organisations. C’est plutôt le fait que les institutions n’ont pas encore réussi à s’approprier l’approche basée sur les droits de l’enfant.

Ce qui est donc important c’est de former et de vulgariser cette approche pour les organisations, les jeunes, les enfants et les dirigeants des pays qui bénéficient de l’aide au développement.

Je pense que les choses sont en train de changer, que les choses sont faites pour réellement transformer cette approche mais ça va être progressif.

Comme il a été dit durant la table ronde, le plaidoyer au niveau national est très important. Il s’agit de savoir comment est-ce que l’on forme les dirigeants bénéficiant de l’aide à trouver des projets qui prennent en compte la participation de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que possesseur de droit à qui on donne de la valeur ?  Ça va être difficile de changer très radicalement le paradigme du jour au lendemain mais j’ai espoir.

Le défi principal est de former les gens à l’approche par les droits et de progressivement l’intégrer. Cette formation doit être faite pour toutes les parties prenantes des projets car même ici en France elle est encore peu utilisée.

Est-ce que dans leur politique cela transparait ? Le rapport nous montre que non, cela ne transparait pas concrètement, donc ils vont travailler aussi à l’intégrer à leur niveau.

A votre avis, est-ce que la table ronde d’aujourd’hui a eu un impact sur la mentalité des acteurs institutionnels, sur la redéfinition de leur stratégie ?

Je pense que oui parce que c’est très bien de rester dans les bureaux de voir comment cela se passe mais voir des personnes qui ont vécu ces inégalités et qui les racontent, forcément ça touche.

Je remarque qu’ils ont pris conscience que ce qu’on faisait n’implique pas assez les enfants et les jeunes car c’est eux qui ont le pouvoir de faire bouger les choses.

Et ils ont vu à travers mon plaidoyer que si on implique les enfants suffisamment, s’ils sont acteurs des programmes, et s’ils sont à la genèse même de ces derniers ils pourront réellement apporter des changements. Je pense que ce soir les personnes présentes ont pris conscience de cela. Je pense être arrivée à ce niveau-là c’est déjà un point fort mais il faut maintenant que cela se traduise en actions.

Photo de groupe réunissant les participants de l’événement

Stefanny Mendes et Aïcha Guirassy

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