Lors de la journée d‘intégration de la promotion 2023-2024 du Comité du Plan des Jeunes, nous nous sommes attelé·es à définir une thématique sur laquelle travailler prioritairement tout au long de l’année. Quelqu’un·e a alors mentionné le “repassage des seins”. Comme la majorité d’entre vous, nous ignorions pour la plupart de quoi il était question. Après avoir exploré ce sujet plus en profondeur, nous avons décidé qu’il était essentiel de lever le voile sur cette pratique méconnue. 

Dans cet article, corédigé avec les jeunes engagé·es auprès de Plan International Cameroun avec lesquels nous avons co-construit ce projet, nous vous expliquons ce qu’est le repassage des seins, pourquoi il est pratiqué, les conséquences potentielles pour les survivantes, et ce que nous avons appris lors de notre mission au Cameroun.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la mission elle-même, son organisation, son déroulement, et les enseignements que nous en avons tirés, rendez-vous ici !

C’est quoi le repassage des seins ?

Le “repassage des seins”, parfois appelé “massage des seins”, est une pratique traditionnelle et dangereuse qui consiste à aplatir les seins des jeunes filles lorsqu’ils commencent à se développer à la puberté. Diverses méthodes peuvent être utilisées, telles que l’utilisation d’objets chauffés (pierres, spatules, etc.), de bandages serrés comprimant les seins , ou encore de massages réguliers à base de plantes ou herbes.

Au village, ma grand-mère massait mon sein avec des noyaux de fruit noir enveloppés dans des feuilles de macabo

témoigne Gladys (prénom modifié).

De ses propres mots, elle en reste traumatisée. Elle ajoute :

Mon sein gauche est brûlé. Je n’arrive pas à regarder mes seins dans le miroir”.

Le Cameroun n’est malheureusement pas le seul pays où l’on observe le repassage des seins : cette pratique est également pratiquée dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale, tels que le Nigéria, la Guinée, le Togo et le Bénin. 
Selon ses adeptes, le repassage des seins est censé protéger les filles contre les agressions sexuelles, les grossesses et les mariages précoces. En 2013, 30% des Camerounaises âgées de 20 à 24 ans déclaraient être devenues mères avant l’âge de 18 ans.

Le repassage des seins se pratique le plus souvent dans le secret familial : mères, grand-mères, tantes, grands frères et grandes sœurs (souvent elles-mêmes survivantes) l’imposent à leur fille, petite-fille, nièce ou sœur. Il arrive aussi, bien que plus rarement, que des sages-femmes traditionnelles, «guérisseuses» ou exciseuses le pratiquent pour en tirer un revenu.  La plupart des pratiquantes sont convaincues de bien faire. Une survivante, Barbara B., raconte même avoir pris l’habitude de  se repasser les seins elle-même après que sa mère l’ait fait pendant un an.

Une pratique tabou à des conséquences néfastes

En raison du fort tabou entourant cette pratique, les données chiffrées sont rares. En 2017, le gouvernement camerounais estimait qu’une adolescente sur quatre avait subi un repassage des seins, avec de fortes disparités régionales : la prévalence varie de 53% dans la région du Littoral à 7% dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord1. Les données et témoignages récoltés par les jeunes de Plan International Cameroun semblent montrer que la situation n’a guère évolué depuis. 

Les témoignages recueillis montrent que cette pratique est souvent inefficace pour décourager l’activité sexuelle des adolescentes ou même retarder la croissance de leurs seins. En revanche, elle expose les jeunes filles à des risques sanitaires importants, notamment en cas d’utilisation d’objets chauffés (brûlures, risques d’infection, cicatrices, etc.). Bien qu’il n’existe pas d’études exhaustives sur les risques de santé à moyen et long terme, de nombreuses survivantes rapportent des séquelles physiques (de santé ou d’ordre esthétique) tels que des douleurs persistantes, des démangeaisons, des écoulements anormaux, des difficultés à allaiter, ou encore une asymétrie marquée des seins. Le repassage des seins pourrait également augmenter le risque de cancer du sein. 

Les conséquences psychologiques sont également notables, avec une perte de confiance en soi, des difficultés à accepter son propre corps, et une réticence à se laisser toucher, même par un·e partenaire ou un·e médecin.

Aujourd’hui, cette pratique demeure donc trop répandue, et reste insuffisamment connue. La législation camerounaise n’incrimine pas directement le repassage des seins, malgré les recommandations du Comité des droits de l’enfant en 2017 (CRC/C/CMR/CO/3-5). Bien que l’article 277-1 du Code pénal criminalise les mutilations génitales féminines, cette section ne semble pas réellement appliquée aujourd’hui, en pratique, au repassage des seins. Étant donné que cette pratique se déroule souvent dans un cadre familial et repose sur des croyances erronées, la sensibilisation semble donc nécessaire en complément de l’approche juridique.

Selon les Nations Unies, le repassage des seins touche 3,8 millions de femmes dans le monde. Les Nations Unies ont également identifié cette pratique comme l’une des cinq formes de discrimination et de crimes oubliés à l’encontre des femmes. Malgré ce fait, cette pratique n’est toujours pas reconnue comme une mutilation génitale féminine par l’Organisation Mondiale de Santé.

Cette pratique dangereuse est la réalité de nombreuses femmes à travers le monde. Pourtant, elle demeure trop peu connue. 

Ensemble, faisons la connaître  et dénonçons-la.

Cet article a été co-rédigé avec les jeunes de Plan International Cameroun, qui ont travaillé tout au long de l’année 2023-2024 à recueillir des témoignages, collecter des données, organiser des “causeries éducatives” (sortes de table-rondes participatives). Sans elles et eux, rien de tout cela n’aurait été possible. Le Plan des Jeunes les remercie encore une fois pour leur participation active à ce projet.

*1 Source : Ngunshi BR (2011), « Breast Ironing: A Harmful Traditional Practice in Cameroon »

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