Sur une colline boueuse dans un village proche d’Akkar, dans le nord du Liban, on découvre une dizaine de tentes de fortune. Amal, originaire de Syrie, habite dans l’une d’elles depuis 6 ans, avec sa mère et ses 5 frères et sœurs. Elle n’a que 11 ans et pourtant son mariage a déjà été programmé.

Je rêve de faire des études 

« Je ne sais ni lire ni écrire. Je ne suis jamais allée à l’école et je ne comprends pas pourquoi. Ici, nous n’avons rien à faire. Je reste à la maison toute la journée pour jouer avec mes frères et sœurs plus jeunes ou aider ma mère. »

Amal rêve de faire des études mais elle doit rester à la maison pour aider sa mère. « J’aimerais beaucoup aller à l’école. Je veux être professeure et apprendre aux enfants à écrire dans une grande école. »

Je venais d’accoucher par césarienne lorsque nous avons dû fuir 

Amal n’avait que 4 ans lorsque sa famille a été obligée de fuir la ville d’Idlib, en Syrie, ravagée par les bombes. Elle ne se souvient pas beaucoup de leur fuite et de la Syrie. À l’inverse, sa mère Rim, 32 ans, est incapable d’oublier.

« Ma plus jeune fille est née par césarienne. Je venais d’accoucher lorsque les obus ont commencé à tomber sur Idlib. Nous avons été pris de panique et nous avons décidé de nous enfuir. J’ai dû tenir mon ventre avec les mains pour que les points de suture ne lâchent pas », raconte Rim.

Rim caresse les cheveux de sa plus jeune fille, maintenant âgée de 7 ans, et la serre fort dans ses bras. La petite sourit en retour et se blottit contre sa mère. Les 6 frères et sœurs écoutent attentivement lorsque leur mère raconte leur fuite.

Ma fille Amal veut aller à l’école mais je ne peux pas l’y envoyer 

La famille vit dans une tente. Sur le sol, des tapis épais et au milieu, un petit poêle à bois. C’est plein de courants d’air et il fait froid. Les fenêtres ne ferment pas et Rim explique comme l’hiver a été infernal. Avec la neige, la pluie, la tente a été plusieurs fois inondée.

Rim soupire et poursuit son récit: « Mon mari est décédé en Syrie et je suis seule avec 6 enfants. Je suis moi-même malade après une opération utérine et mon fils est atteint d’épilepsie. Le pire des problèmes pour une mère, c’est de ne pas pouvoir fournir à ses enfants ce dont ils ont besoin. Je sais ce qu’ils souhaiteraient. Par exemple, ma fille Amal veut aller à l’école – mais je ne peux pas l’y envoyer ».

Maman voulait me marier parce qu’elle n’avait pas d’argent

Je ne savais rien de cet homme et j’ai dit que je ne voulais pas, parce que j’étais trop jeune

Les sœurs aînées d’Amal, âgées de 15 et 16 ans, servent le thé. Elles sont déjà mariées et vivent à proximité avec leurs maris, mais viennent souvent ici pour passer du temps avec leur mère et leurs frères et sœurs. Lorsque la famille est entrée en contact avec le programme de Plan International, Amal était sur le point de se marier et elle avait commencé à travailler pour une famille en tant que femme de ménage.

« Maman voulait me marier parce qu’elle n’avait pas d’argent. Je ne savais rien de cet homme et j’ai dit que je ne voulais pas, parce que j’étais trop jeune. Je veux aller à l’école ! », soutient Amal.

Mon mariage a pu être annulé et je ne suis plus forcée de travailler

Larma Amine est assistante sociale pour le réseau Akkar pour le développement, l’une des organisations partenaires de Plan International, qui travaille avec les enfants syriens dans la région depuis de nombreuses années.

« Quand nous avons appris qu’Amal travaillait pour une famille et allait se marier à un âge aussi jeune, nous avons décidé de parler à sa mère pour voir si nous pouvions la convaincre de changer d’avis, ce qui a fonctionné. »

Amal et son frère cadet fréquentent maintenant le centre d’assistance de Plan International pour les enfants syriens et libanais vulnérables de la région d’Akkar. Amal n’est pas encore scolarisée, mais son projet de mariage a été annulé et elle ne travaille plus comme femme de ménage.

La pauvreté est la cause sous-jacente de la vulnérabilité des enfants

Elissa Alhassrouny, responsable de la protection de l’enfant chez Plan International au Liban déplore : « Les plus importants problèmes auxquels nous sommes confrontés sont le mariage et le travail des enfants et leur non-scolarisation. Toute une génération d’enfants passe à côté de son enfance et a besoin d’un soutien urgent. »

La pauvreté est la cause sous-jacente de la vulnérabilité des enfants. Plus de la moitié des réfugiés syriens vivent dans une extrême pauvreté et ont du mal à se procurer suffisamment de nourriture chaque jour. Aujourd’hui, environ un million et demi de réfugiés syriens vivent au Liban, ce qui signifie que le pays compte le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde.

Dans le même temps, le Liban est aux prises avec un taux de chômage élevé et une sécurité sociale déficiente pour sa propre population. La situation des réfugiés s’aggrave chaque année, les prix du logement et de la nourriture ne cessant d’augmenter et de nombreux Syriens ne disposant pas de permis de travail.

Au centre, les enfants prennent connaissance de leurs droits

J’étais tellement heureuse lorsque ma mère a changé d’avis et a décidé de ne pas me marier.

Le centre d’aide aux enfants de Plan International est situé dans une vieille maison individuelle au sommet du village avec une vue panoramique sur les vallées. Amal et d’autres enfants syriens viennent ici 2 fois par semaine pour apprendre différents sujets tels que la santé et leurs droits, ainsi que sur les risques et les conséquences du travail et du mariage forcés des enfants.

Dans la classe d’Amal, les enfants dessinent leurs mains sur des morceaux de papier. Ils colorent une main verte et l’autre rouge. La leçon porte sur l’intégrité du corps et sur ce qui est juste ou faux en matière de contact physique. L’animateur demande aux enfants ce qu’ils devraient faire si un adulte leur demandait de se déshabiller. Ils lèvent tous la main rouge montrant ainsi qu’ils ont compris que cette demande est inappropriée.

« J’aime venir ici. J’étais très malheureuse auparavant, mais depuis que j’ai reçu de l’aide, je me sens mieux. J’étais tellement heureuse lorsque ma mère a changé d’avis et a décidé de ne pas me marier. Je lui ai dit que je l’aimais », déclare Amal : « Maintenant que ma mère a commencé à travailler, je n’ai plus besoin de travailler chez les autres. Je sais que ma mère nous protégera toujours. »

Le travail de Plan International au Liban

Plan International collabore avec des organisations locales pour offrir un soutien psychosocial et des activités aux enfants syriens et libanais vivant dans des conditions de vulnérabilité. Les activités suivent un programme où différents thèmes sont abordés au cours de 17 semaines.

Les programmes pour les enfants plus jeunes impliquent beaucoup de jeux et d’apprentissage sur leurs droits, ainsi que sur leur santé physique et mentale, leur intégrité corporelle et les risques et conséquences du travail des enfants et du mariage des enfants.

Pour les adolescents et adolescentes, l’accent est mis sur la prévention du mariage des enfants, la santé sexuelle et reproductive, la violence sexiste et les services sociaux disponibles dans le quartier. Des travailleurs sociaux ont été formés pour identifier les enfants à risque de mariage d’enfants, de travail des enfants ou de violence et pour travailler avec les parents afin de réaliser un changement positif.

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