Dans les régions rurales du Cambodge, les femmes luttent pour survivre sous la pression du réchauffement climatique. Lem La, 39 ans, ne veut pas que sa fille vive dans la même pauvreté. Elle pense que le pouvoir de l’éducation donnera à Chana, sa fille âgée de 5 ans, un avenir meilleur
Je me bats pour que ma fille puisse aller à l’école
« J’emmène ma fille à l’école tous les matins, car ce qui compte le plus pour moi, c’est qu’elle aille à l’école. J’ai aussi peur que quelque chose lui arrive en chemin », nous raconte la jeune mère de Chana.
Tous les matins, Lem La emmène Chana à l’école sur le porte-bagages de son vélo rouge. C’est à moins d’un kilomètre de distance, mais la route n’est pas de tout repos. La saison sèche est étouffante dans la province de Siem Reap, au nord-ouest du Cambodge, les températures dépassent les 40 degrés.
Une fois que Chana rentre de l’école, Lem La lui prépare un bon repas à base de canard, puis elle arrose le potager. La terre craquèle sous l’effet de la sécheresse. L’eau du puits est en train de s’épuiser et doit être réservée aux humains et aux animaux.
La rizière de la famille est également asséchée. Auparavant, le champ produisait une récolte deux fois par an, aujourd’hui il n’en produit qu’une seule. Le réchauffement climatique a aggravé la saison sèche qui est de plus en plus longue et de plus en plus chaude, mais aussi la saison des pluies avec des inondations et des tempêtes de plus en plus fréquentes.
« Ces dernières années, le temps est devenu étrange et nous ne pouvons plus gagner notre vie grâce à l’agriculture. Je ne vois plus d’avenir dans ce métier, mais il n’y a pas d’autres opportunités pour moi ici », raconte Lem La.
Je ne veux pas que ma fille ait la même enfance que moi
Lorsqu’elle était enfant, Lem La passait ses journées dans les champs à élever des vaches et à regarder ses camarades qui passaient devant elle en uniforme. Son père a abandonné sa femme et ses 6 enfants quand il était jeune. Les enfants ont donc dû aider leur mère à survivre.
« Notre mère a dû nous laisser alors qu’elle travaillait très loin dans une rizière. J’étais seule et je perdais mon temps au lieu d’apprendre ce dont j’avais besoin », confit-elle.
« Parfois, mon père rentrait à la maison. Il battait ma mère », ajoute-t-elle. Lem La s’est toujours promise de ne pas se marier avec une personne comme son père. Lorsque le maçon du village a commencé à la courtiser dans un temple bouddhiste il y a 15 ans, elle voulait s’assurer qu’il ne lui ferait jamais de mal.
« La violence domestique est un problème courant ici. Beaucoup d’hommes boivent et battent leurs femmes. Mon mari est différent et il participe même à certaines tâches ménagères. »
Plan International nous soutient
Depuis 2 ans, Lem La fait partie d’un groupe d’épargne et de crédit, soutenu par Plan International qui aide les femmes vivant dans la pauvreté à mieux gagner leur vie. Tous les membres sont de petits exploitants et des mères au foyer qui n’ont jamais eu la possibilité d’épargner. Désormais, chacune d’entre elles dépose l’équivalent de 1 à 2 euros par mois dans une caisse commune. Les membres du groupe peuvent contracter un emprunt en utilisant le capital. Grâce à celui-ci, beaucoup ont pu acheter, par exemple, des engrais pour améliorer leurs récoltes.
Le village de Lem La se trouve dans une clairière au milieu d’une jungle. Le paludisme et la diarrhée menacent la santé des enfants.
Ce groupe a considérablement amélioré ma vie
« Parmi tous les besoins, la santé des enfants est une priorité. Lorsque Chana a eu de la fièvre, j’ai pu obtenir un prêt pour des médicaments », nous explique la jeune mère.
Le groupe d’épargne accorde également des prêts à d’autres villageois – avec un intérêt plus élevé. C’est comme ça que les femmes parviennent à dégager quelques profits.
« Ce groupe a considérablement amélioré ma vie. Avant, je n’avais pas assez d’argent pour acheter un vélo, mais avec les revenus des intérêts, j’ai pu en acheter un pour emmener ma fille Chana à l’école. »
Ma fille aura un meilleur avenir
Grâce à ce groupe, Lem La a découvert qu’elle avait l’instinct naturel des affaires. Elle a imaginé ouvrir une épicerie qui lui offrirait de meilleurs revenus que ses champs asséchés actuellement.
« Le problème, c’est que je ne sais ni lire ni compter », admet-elle en riant et en regardant le sol. « Je ne veux pas que ma fille suive mes traces. Je suis comme une aveugle dans un monde rempli de malvoyants. »
Dans les zones rurales de Siem Reap, les familles ont généralement un grand nombre d’enfants, mais Chana est la seule de la famille. « Chana est tout pour moi. Nous faisons presque tout ensemble », livre-t-elle avec amour.
« J’aime ma mère parce qu’elle prend toujours soin de moi », répond sa fille Chana.
Qui sait sa fille, devenue adulte, pourrait même apprendre à sa mère à lire et à compter…
« Je ferai tout ce que je peux pour que Chana puisse atteindre son objectif de devenir médecin. Ce n’est qu’avec une bonne éducation que l’on peut envisager un meilleur avenir », conlut Lem La.