J’imagine un monde où nous n’aurions jamais peur
Solange, 15 ans, vit au Pérou, un pays où plus de 36 % des femmes ont subi des violences sexuelles dans leur vie. À Lima, elle a vécu au quotidien le harcèlement de rue. Le programme pour des villes plus sûres mis en place par Plan International lui a appris ses droits et comment réagir face à la violence. Elle témoigne.
« MÊME MARCHER DANS LA RUE N’EST PAS SÛR. »
Quand Solange a quitté la campagne péruvienne pour s’installer à Lima, elle s’est engagée dans le programme de l’ONG Plan International pour rendre les villes plus sûres. Aujourd’hui de retour dans sa communauté, elle a pu transmettre beaucoup de ce qu’elle a appris et partager son expérience.
Même si elle partageait son logement avec des proches, Solange a trouvé la vie à Lima beaucoup plus difficile que prévu. La jeune fille explique ce qu’est la vie dans l’une des plus grandes villes d’Amérique latine, où la violence sexuelle et le harcèlement sont omniprésents.
« Je suis venue ici à Lima pour accéder à une meilleure éducation. Je vivais à côté de mon école. J’y allais à pied, parfois avec des amies, mais lorsque mon sac était trop lourd, je devais prendre un moto-taxi. Tout le monde m’avait recommandé de ne jamais me déplacer toute seule mais souvent je n’avais pas d’autre option.
Utiliser le moto-taxi pour aller à l’école n’est pas du tout rassurant. Les chauffeurs nous emmènent parfois dans des rues que nous ne connaissons pas pour discuter avec nous. J’évitais de leur répondre.
Pour beaucoup de mes amies, la façon dont les chauffeurs parlent aux écolières est normale. C’est ce qui me fait le plus peur : elles croient qu’ils leur temoignent simplement de l’intérêt, alors qu’ils veulent davantage. À l’école, on nous a dit que 9 filles étaient tombées enceintes l’année dernière. Tout le monde était surpris mais moi je pensais qu’elles seraient encore plus nombreuses.
Je préfère encore les moto-taxis aux bus : les bus sont toujours bondés, j’ai l’impression que c’est pire là-dedans. Si vous êtes victime d’attouchements et que vous réagissez, tout le monde fait comme si rien ne s’était passé. Depuis je ne prends plus le bus.
Même marcher dans la rue n’est pas sûr. À chaque coin de rue, vous pouvez être harcelée, sifflée ou apostrophée de manière agressive. J’ai subi des remarques racistes sur ma façon de parler ou de m’habiller.
Cela m’a pris un certain temps pour arriver à ne plus en tenir compte, ça me blessait vraiment. Et ce ne sont pas seulement des hommes âgés qui harcèlent les filles, il y a des hommes de tout âge, même des adolescents. Je faisais toujours mine de les ignorer et continuais à marcher comme si de rien n’était. »
UN PROGRAMME POUR REMETTRE EN CAUSE LES INÉGALITÉS DE GENRE
« Les gens peuvent essayer de me rabaisser, je ne me laisserai pas faire. J’ai plein de projets et de rêves. Il y a des choses que j’arrive à faire plus facilement grâce à ce que j’ai appris avec le programme Safer Cities de Plan International. »
Mis en place dans 20 quartiers de Lima, ce projet encourage les filles et les garçons à s’engager contre les violences sexistes. Nous sensibilisons les élèves et leurs enseignant·e·s aux discriminations sexistes pour changer les comportements.
« Cela commence par de petites choses comme discuter en classe avec des garçons. Nous ne devrions pas avoir peur de réagir à leurs comportements sexistes. Si nous discutons avec eux calmement et les encourageons à voir notre point de vue, ils comprendront mieux. Nous pouvons aussi demander aux enseignants de prendre en compte ce problème et d’expliquer à tout le monde comment cela affecte notre estime de soi. »
« Nous ne devrions pas avoir peur de réagir aux comportements sexistes. »
Plan International met également en place des activités extra-scolaires mixtes, pour permettre aux filles de prendre confiance en elles et de se sentir les égales des garçons. En partageant des activités en commun, les filles et les garçons se rendent compte qu’ils et elles ont les mêmes capacités et remettent ainsi en cause les stéréotypes.
Les jeunes filles membres du programme sont encouragées à prendre la parole pour défendre leur combat : « Si je pouvais parler au gouvernement, je serais directe : je leur dirais que la situation dans laquelle nous sommes est dangereuse. Les autorités devraient se mettre à notre place pour comprendre comment le harcèlement et la violence affectent l’estime de soi. Je ne pense pas qu’ils s’en rendent compte.
Ils doivent faire appliquer les lois pour protéger les filles. Dans ma communauté comme ailleurs, nous avons besoin de nous sentir en sécurité. L’inégalité entre les sexes est un problème pour tout le monde, nous ne pouvons plus le supporter.
Mon école me soutient dans ce combat. Ce serait tellement bien si cela pouvait être le cas de toutes les écoles. Et si on pouvait nous soutenir dans les postes de police aussi. Imaginez juste un monde où tout le monde serait tout le temps en sécurité et où vous n’auriez jamais peur d’être blessée. »