Presque toutes les filles dans le monde (95 %) sont affectées par la pandémie de Covid-19, au moins psychologiquement. C’est ce que les adolescentes et les jeunes femmes révèlent dans la 2e partie de l’enquête mondiale de l’ONG Plan International Des vies qui s’arrêtent : les voix des filles et des jeunes femmes sur l’impact de la Covid-19. Qu’elles soient d’Inde, des États-Unis, d’Equateur, d’Égypte, du Mozambique ou de France, la pandémie bouleverse leur vie entière, à commencer par leur éducation. Un constat dramatique qui ne les empêche pas de garder espoir pour l’avenir.
« Je sais que ça a été une année horrible pour ma santé mentale. Ça n’a fait que se dégrader », confie Clara, lycéenne américaine de 16 ans. Au-delà des chiffres de la première partie du rapport (septembre 2020), Plan International se concentre dans cette seconde étude sur la parole des filles.
L’ONG a longuement écouté les voix de 71 adolescentes et jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans, originaires de 14 pays.
L’étude révèle que la pandémie affecte tous les aspects de leur vie : l’éducation, leur santé et de celle de leur entourage, les revenus de leur famille et l’incertitude quant à leur avenir.
Pourtant, les filles font preuve d’une grande résilience et restent déterminées à poursuivre leurs ambitions.
Les filles s’inquiètent du retard pris sur leur scolarité
- 20 millions de filles supplémentaires en âge de fréquenter l’enseignement secondaire pourraient être déscolarisées à la fin de la crise à cause de la pandémie (Fondation Malala).
- « Quand j’allais à l’école, j’apprenais et j’étais active. Tout ce que nous faisons à présent ce sont les tâches ménagères à la maison, donc notre état psychologique est affecté », confie Tdesey, Ethiopienne de 16 ans.
- « Le plus dur a été de travailler seul·e·s… Il faut améliorer la situation, je pense qu’ils ont vraiment besoin de plus de personnel… Ils [les professeurs] ne sont joignables que de 13h30 à 15h… Il faut qu’ils s’adaptent à la situation », Seny étudiante française de 19 ans.
- Le mauvais accès à Internet, la difficulté de concentration, la solitude, les tâches ménagères et l’absence de soutien du corps enseignant empêchent les filles de poursuivre leur scolarité à distance.
L’isolement pèse sur la santé mentale des filles
- 9 filles et jeunes femmes sur 10 affirment ressentir une forte anxiété depuis le début de la pandémie, en particulier lors des confinements très éprouvants psychologiquement.
- « Depuis le début de la pandémie de Covid-19, je ressens de l’anxiété, de l’angoisse et de la peur, notamment de transmettre le virus », explique Avani, élève indienne de 18 ans.
- « L’aspect négatif, c’est l’ambiance anxiogène, tout le monde a peur, […] cela complique le fait de se retrouver ensemble », confie Marie, lycéenne française de 17 ans, sur son retour en classe.
- La crainte du virus, l’isolement et l’omniprésence de la Covid-19 dans l’actualité médiatique constituent les principales causes de détresse émotionnelle et psychologique évoquées par les filles. Même pour celles qui ont pu retourner à l’école, le soulagement de retrouver les salles de classe n’a pas permis de se libérer totalement de l’angoisse.
Hausse des violences sexuelles et des inégalités de genre
- 15 M de cas supplémentaires de violences de genre sont anticipés pour chaque trimestre de confinement hors de l’école (ONU).
- « Pendant cette période, certaines filles seront soumises à des mariages d’enfants, d’autres vont tomber enceintes. […] Pour les parents, avoir une fille à la maison, c’est un poids. Pour s’en débarrasser, ils la confient à un homme », explique Xiluva, lycéenne de 17 ans au Mozambique.
- Les filles espèrent qu’un retour rapide à l’école les protègera des risques accrus de mariages d’enfants, d’abus sexuels, de violences de genre et de grossesses précoces.
Pour les parents, avoir une fille à la maison, c’est un poids. Pour s’en débarrasser, ils la confient à un homme
La perte de revenu : une source d’angoisse au quotidien
- 1/3 des jeunes femmes interrogées sont sans emploi et leur famille sans aucun revenu.
- « Toute ma famille a perdu son emploi pendant la pandémie […] Pendant un certain temps, j’ai pu subvenir un peu aux besoins de ma famille, parce que je travaillais 2 jours par semaine et gagnais un tout petit peu d’argent », Gaby, 17 ans, en Equateur.
- Dans de nombreux cas, la personne qui subvient principalement aux besoins de la famille a perdu son emploi ou vu ses horaires de travail réduits. S’alimenter, financer l’éducation et s’acheter les produits de base sont devenues des sources de préoccupations et de tensions dans la famille.
Affronter l’avenir
- « L’apprentissage a été perturbé par la Covid-19. La plupart de mes amies qui ont arrêté l’école me disent de faire de même, mais je suis déterminée à continuer afin d’avoir une vie meilleure à l’avenir », affirme Audre, 16 ans en Zambie.
- « Avec le virus, des événements sont souvent annulés, mais de nouveaux apparaissent. J’ai pu coder énormément. Et honnêtement, la pandémie m’a fait réaliser à quel point j’aimais le secteur des technologies », raconte Sara, lycéenne américaine de 15 ans.
- Malgré l’ampleur des difficultés rencontrées, les adolescentes et les jeunes femmes restent déterminées à poursuivre leurs rêves et font preuve d’une forte résilience. De nombreuses participantes ont estimé avoir beaucoup appris de leurs expériences au cours de l’année écoulée, notamment grâce à des stratégies pour préserver leur santé mentale comme le sport ou la méditation.
L’ONG Plan International France demande aux gouvernements et à la communauté internationale :
- De donner la priorité à la continuité de l’apprentissage lors des fermetures d’écoles et d’investir en faveur de méthodes d’éducation à distance.
- De permettre un retour à l’école en toute sécurité pour l’ensemble des élèves, en tenant compte du risque accru d’abandon scolaire définitif auquel sont confrontées les filles.
- De reconnaître l’impact de la pandémie sur la santé mentale, en particulier pour les filles et les jeunes femmes, et d’améliorer les services de soutien psychologique.
- De lutter contre les violences de genre et les mariages d’enfants, et de protéger les survivantes de violences sexuelles pendant la pandémie.
- De garantir aux familles un revenu adéquat et un accès aux produits de première nécessité, notamment les denrées alimentaires et les médicaments indispensables.
- De promouvoir davantage l’emploi et l’entrepreneuriat des filles et des jeunes femmes.
Méthodologie du rapport : Entre juin et juillet 2020, Plan International a mené une enquête quantitative auprès de 7 000 participantes originaires de 14 pays : Australie, Brésil, Équateur, Égypte, Éthiopie, France, Ghana, Inde, Mozambique, Nicaragua, Espagne, États-Unis, Vietnam et Zambie. 202 entretiens approfondis d’une heure au moins, par téléphone et par visioconférence, ont été menés lors de 3 cycles (juillet-août 2020, octobre 2020, décembre-janvier 2021) auprès de 70 filles et femmes âgées de 15 à 24 ans, originaires de ces pays.
Pour toute demande d’interview des participantes de l’étude en France et des équipes de Plan International, merci de contacter :
Léa Dorigny, lea.dorigny@plan-international.org
Julien Beauhaire, julien.beauhaire@plan-international.org +33 1 84 87 03 52 /+33 7 86 45 12 10