Lutter contre l’excision au Mali : le combat de ma vie
Madina Bocoum Daff, ancienne coordonnatrice du projet contre l’excision de Plan International au Mali, revient sur son passé et sur les motivations qui l’ont amenée à s’engager pour ce qui a été le combat de sa vie : la lutte contre les mutilations génitales féminines et l’abolition de ces pratiques au sein des communautés maliennes.
« Je suis une femme Peulh d’ethnie Diawando. Dans ma famille, la grande majorité des filles (dont moi-même) a été excisée et a subit, dans la plupart des cas, la forme la plus grave de l’excision, c’est-à-dire l’infibulation. À l’époque, nous pensions que notre souffrance était normale. Nous ne devions en aucun cas l’exprimer, la montrer, ou en parler car c’est ce que notre culture nous enseignait, nous dictait et nous devions l’accepter.
Je ne me souviens plus à quel âge j’ai été excisée. Je ne sais plus non plus si j’ai eu des problèmes immédiatement après l’excision, mais je me rappelle encore de mon adolescence où je souffrais énormément pendant mes menstruations, au point de m’absenter un à deux jours de classe par mois. Une situation qui m’écœurait car j’étais la première fille de ma famille à avoir la chance d’aller à l’école et faire des études, il fallait donc que je réussisse pour donner cette même chance à mes petites sœurs.
Vous ne pouvez comprendre la déception, la crainte, la souffrance que j’ai ressenti lorsque je me suis rendue compte, le jour de mon mariage, que l’accolement que j’avais eu suite à mon excision ne me permettait pas de consommer le mariage sans une nouvelle intervention. La désinfibulation était donc obligatoire au moment de mon mariage. Dans la plupart des cas, cette intervention était faite par l’exciseuse, sans anesthésie, dans de mauvaises conditions d’hygiène (à même le sol en terre dans les toilettes communes de la famille), afin de nous soumettre à une « libération » et pouvoir avoir le soir même notre premier rapport sexuel avec notre mari.
Lorsqu’en 2001, Plan International Mali m’a donné l’opportunité de coordonner un projet de lutte contre la pratique de l’excision, je n’ai pas hésité, même si je savais que ma propre famille n’accepterait pas que je contribue à cette lutte.
J’ai mis 6 mois avant de dire à ma maman ce que je faisais chez Plan International. Le jour où ma mère l’a su, elle m’a simplement demandé de démissionner car pour elle « un enfant issu d’une bonne famille ne doit pas aborder publiquement des questions aussi sensibles que l’excision. »
C’est une pratique traditionnelle très ancienne au Mali, ancrée dans notre culture, avec un amalgame terrible avec la religion. Toutes les régions du Mali pratiquent l’excision, avec un faible taux dans les régions du Nord.
L’appel que je lance aujourd’hui aux gouvernements d’Afrique pour aider les enfants à échapper à cette pratique néfaste et dangereuse repose sur :
- Le respect et la mise en application des conventions et traités qu’ils ont signé et ratifié pour le respect des droits humains de manière générale et des droits des enfants de manière spécifique.
- La mise à disposition de moyens financiers, matériels et humains nécessaires pour la mise en œuvre des politiques nationales de lutte contre les pratiques traditionnelles et sociales nuisibles aux enfants, en particulier celle de l’excision.
- Que chaque gouvernement ait le courage de voter une loi contre l’excision et de la faire appliquer pour renforcer les campagnes d’information et de sensibilisation en cours dans les différents pays. »