Le Nord-Est du Nigeria, l’extrême Nord du Cameroun, la frontière Ouest du Tchad et le Sud-Est du Niger continuent de faire face à une crise complexe et prolongée qui trouve racine dans l’extrême pauvreté, le changement climatique, les conflits violents et le manque de services sociaux. On estime aujourd’hui que plus de 24 millions de personnes dans la région du lac Tchad sont touchées par cette crise et que près de 5,3 millions de personnes ont été déplacées.

Pour l’émancipation des jeunes au Tchad, y compris en contexte de crise

En tant que membre de la communauté d’accueil de Diffa dans l’Est du Niger, Bintou, âgée de 23 ans, souhaite lutter pour la participation des jeunes et l’émancipation des filles. Elle souhaite lutter pour l’émancipation des filles en dépit des obstacles laissés par la crise sanitaire de la COVID-19 et les pratiques traditionnelles qui nuisent aux femmes.

Bintou s’intéresse à la biologie, elle étudie la gestion des ressources de la faune et de la flore. Depuis 2021, elle est engagée au sein du mouvement des jeunesses actrices de Plan International. « Le but n’est pas de fournir du matériel ou une assistance financière qui finira par être épuisée. Ce que nous voulons c’est permettre aux jeunes de devenir de véritables acteur·rices du changement. »

Le projet est implanté dans les zones affectées par la crise humanitaire et sécuritaire, dans lesquelles les filles et les femmes sont confrontées à des obstacles qui freinent leur émancipation. « Dans notre communauté, les filles sont éduquées comme des mères au foyer. Elles sont soumises à des traditions vieilles depuis la nuit des temps. Nous voulons changer cela pour nos propres vies mais également pour les filles et les parents après nous ». Bintou explique que ce projet a eu beaucoup d’impact sur sa vie.

« Avant je restais dans l’ombre et je n’osais pas parler des choses que je souhaitais voir changer dans ma communauté. Mais maintenant mon esprit est plus ouvert. Maintenant je sais que les filles ont le droit de s’exprimer pour dire ce qu’elles ressentent, pour pouvoir pointer du doigt ce qui dysfonctionne et ce qui doit être changé. »

Bintou

Selon Bintou, être une fille militante dans ce contexte n’est pas une chose facile et il a fallu qu’elle persuade ses proches qu’elle pouvait participer aux activités du projet. « Au début mon père était réticent. Il reçoit souvent des critiques de la part de mes oncles et tantes, qui disent qu’il ne devrait pas me laisser voyager, que je devrais me marier et arrêter mes études. Mais à présent, j’ai le soutien de mon père et mes sœurs m’envient. »

Alors que de nombreuses filles de son âge sont déjà mariées, Bintou n’est pas pressée. « Je subis beaucoup de pression mais je ne veux pas me marier tôt parce que je compte poursuivre mes études avec un doctorat. De plus, le militantisme est très important dans ma vie. Je veux être témoin de l’émancipation des filles. Pour moi le plus important est de montrer aux filles que le statut de mère au foyer est loin d’être l’unique option pour leur avenir. »

Le soutien de Plan International pour la participation politique des jeunesses actrices

Dans le cadre de ce projet, près de 300 jeunes ont reçu une formation dans les domaines de l’éloquence, du militantisme et de la gestion de conflit. Aujourd’hui, Bintou est une formatrice sûre d’elle. « Je mène actuellement un programme de mentorat dans 3 communautés à Diffa, afin d’aider les autres filles à s’exprimer clairement et librement. J’ai formé 6 filles et je les ai accompagnées pour qu’elles puissent elles aussi former d’autres filles. Nous avons des activités qui permettent aux filles de gagner confiance en elles. Je leur dis que si je peux le faire, elles peuvent le faire aussi ! Je crois que nous pouvons changer les choses dans nos communautés. »

En tant que jeune militante, Bintou souhaiterait davantage de soutien de la part des autorités locales. Elle espère pouvoir continuer ces sessions de formations avec Plan International. « Les autorités sont à l’écoute de nos opinions mais jusqu’à présent, leur engagement ne s’est pas matérialisé. Dans mon association, nous avons besoin de formations sur le management financier et administratif dans le cas où nous trouverions des fonds pour mener à bien nos activités. »

Bintou est également membre de l’association des jeunesses partenaires de Plan International « Leaders for Change », un réseau de jeunes issu·es du Niger, du Nigéria, du Cameroun et bientôt, du Tchad. L’association vient juste de voir le jour mais des activités ont déjà eu lieu grâce au soutien de Plan International.

« Pendant la campagne « 16 jours de militantisme contre les violences sexistes et sexuelles », nous sommes allé·es à la rencontre des réfugié·es et des filles déplacées. Nous sommes à la recherche de solutions pour les protéger de l’exploitation sexuelle. Nous leur demandons de trouver les solutions et les perspectives dont ils et elles ont besoin, pour les encourager à devenir acteur·trices de leur propre avenir. »

Lorsqu’on lui demande quelle est sa priorité pour venir en aide aux communautés dans ce contexte de crise, Bintou nous répond qu’il faut se concentrer sur la jeunesse. « À Diffa, il y a de nombreux groupes de jeunes délinquant·es. Nous devons travailler avec eux, s’assurer que ces jeunes vont à l’école et les accompagner pour leur donner l’opportunité de vivre en paix au sein de la société. Nous pensons qu’il serait bénéfique que ces groupes de jeunes rejoignent des associations. »

« L’insécurité est une réalité, mais peu importe à quel point nous sommes affecté·es, ce n’est pas une fatalité. Nous pouvons quand même choisir notre avenir ! »

Bintou

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