Dans un camp de réfugiés du Somaliland, Saafi, mère de 10 enfants dont 4 filles, milite dans un groupe qui dénonce l’excision comme une pratique dangereuse et à proscrire. De l’autre côté du camp, un autre groupe défend les mutilations féminines génitales comme une coutume traditionnelle bénéfique pour les filles qui devrait être encouragée.
Portrait de Saafi
Les deux filles aînées de Saafi ont subi une excision. Mais après avoir récemment été informée sur les répercussions sur la santé des filles et des femmes (la douleur, les saignements, l’invalidité permanente voire même la mort), elle a décidé de ne pas imposer l’excision à ses deux filles cadettes.
« Environ 70 % des personnes qui habitent dans notre communauté pratiquent encore l’excision. Nous devons accroître la sensibilisation sur l’ampleur des conséquences néfastes engendrées par cette pratique et laisser les filles devenir porte-parole dans la lutte contre ces mutilations. »
Saafi
« Je comprends maintenant que l’excision n’a rien à voir avec la religion et que cette pratique entraîne de graves complications. J’aimerais dire aux personnes de notre communauté qu’il faut qu’elles et ils cessent de pratiquer les mutilations génitales féminines, car chaque partie du corps est naturelle et ne doit pas être un sujet tabou. »
Plan International travaille aux côtés de l’association locale « Network Against FGM in Somaliland » (NAFIS) pour sensibiliser les communautés sur l’excision et ses conséquences néfastes. Les ateliers de formation se concentrent sur la protection des enfants, en particulier les filles, contre les violences y compris les mutilations génitales féminines, les mariages forcés et les grossesses précoces.
Beaucoup de femmes qui soutiennent l’excision dans le camp sont âgées. Elles croient que les organes génitaux des filles sont « impurs » et devraient être retirés. Ces femmes perçoivent les mutilations comme une exigence religieuse. En outre, selon elles, les filles ne peuvent pas se marier sans être d’abord excisées afin d’être rendues « pures ».
Saafi essaye souvent d’aller parler aux femmes âgées du camp pour leur demander de cesser de promouvoir l’excision. « Ces personnes disent qu’elles vont cesser de pratiquer cette mutilation, mais nous savons qu’elles vont continuer. La nouvelle génération, les jeunes, sont celles et ceux qui peuvent changer les choses pour de bon. Désormais, les gens sont conscient·es, dans leur esprit et dans leur cœur, que l’excision est une pratique dangereuse et traumatisante. »
Portrait de Cawo
À 23 ans Cawo fait partie de la jeune génération de femmes qui veulent voir la fin de l’excision. Mariée et mère d’une fille de 1 an, les effets de l’excision sont un fléau dans sa vie. Elle a subi l’une des formes les plus extrêmes de la pratique, tous ses organes génitaux externes ont été enlevés et son ouverture vaginale cousue.
« Le mal que m’ont causées les mutilations génitales féminines reste encore, à ce jour, une douleur qui me hante. J’avais 10 ans. Quand j’ai vu la femme avec les lames, j’ai été choquée. Je n’ai jamais guéri. C’est encore une blessure béante en moi. La douleur a continué lorsque j’ai eu mes règles et j’ai eu de nombreuses infections », explique Cawo.
Quand elle avait 19 ans, Cawo s’est mariée. La nuit de son mariage, son ouverture vaginale a dû être coupée. « Après mon mariage, j’ai rencontré beaucoup de problèmes. Quand mon vagin a été réouvert, j’étais censé me sentir heureuse, mais ça a été exactemment l’inverse. J’ai ressenti de la tristesse, un vide dans mon cœur et de la douleur dans mon corps. À cause de l’excision, je n’ai pas connu de bonheur au cours de ma vie, seulement de la douleur. »
Quand Cawo est tombée enceinte, elle a du faire face à une autre épreuve terrifiante. « Pendant l’accouchement de mon enfant, le médecin a dû faire des incisions profondes au niveau de mon vagin, et pendant 40 jours, j’étais paralysée et je ne pouvais rien faire. »
« Au lieu d’être heureuse d’être mariée et mère, je n’ai été que dans la peur et la douleur. Cela ne s’arrête jamais. Je me sens si triste. Je m’attendais au bonheur mais j’ai fini avec beaucoup de tristesse et un corps mutilé. L’accouchement était normalement douloureux, mais la douleur a doublé avec toutes ces mutilations et je ne suis toujours pas rétablie. »
Cawo est tout aussi résolue à protéger sa fille à tout prix.
« À cause des problèmes auxquels j’ai fait face avec l’excision, je ne veux pas que ma fille subisse la même chose, que son corps soit mutilé et qu’elle soit traumatisée. Aucune fille ne devrait en faire l’expérience. »
Cawo
S’adressant directement aux mères somalilandaises, Cawo leur demande de ne pas forcer leurs filles à subir une mutilation génitale féminine. « J’aimerais dire à tous et toutes qu’il ne faut pas nuire à nos filles. Nous avons souffert de cette pratique et je supplie que personne ne fasse souffrir la prochaine génération de filles. »
Portrait de Rahma
Selon Rahma, 38 ans, la seule façon de mettre fin aux mutilations génitales féminines au Somaliland est que toutes les filles, les femmes et les mères s’unissent contre cette pratique.
« Nous devons créer une conscience collective : les organisations non-gouvernementales, les chef·fes religieux·euses, les gouvernements doivent parler d’une seule voix pour en finir avec l’excision. »
Rahma
« Cela prendra du temps et nous avons besoin de nouvelles initiatives pour unir notre peuple contre l’excision, mais nous savons que nous y arriverons. »
Mère de trois enfants, deux fils et une fille, Rahma a participé à une formation mise en place par Plan International qui l’a aidée à comprendre les conséquences dangereuses de l’excision sur la santé des filles. Faisant partie d’un réseau de groupes citoyen·nes, elle encourage le changement et participe à la sensibilisation de milliers de mères.
« J’étais bouleversée quand j’ai appris à quel point les mutilations génitales féminines ont des répercussions néfastes pour les filles. J’ai une fille de 10 ans et je ne la laisserai jamais subir une excision car j’en connais désormais les conséquences. Nous devons accompagner les filles de notre communauté afin de les protéger », dit Rahma avec détermination.
« Auparavant, les personnes âgées de la communauté disaient que les filles qui ne subissaient pas de mutilations génitales féminines ne se mariaient pas. Mais maintenant, les filles n’ont aucun problème avec ça. Elles trouveront quelqu’un pour les accepter telles quelles sont. J’encourage et j’appelle tout le monde à travailler avec nous car, ensemble, nous pouvons mettre fin à l’excision ! »