Au Paraguay, des milliers d’enfants et d’adolescentes sont soumis·es au criadazgo, une coutume illégale mais socialement bien ancrée, qui consiste à envoyer des enfants de familles à faibles revenus vivre dans un autre foyer pour effectuer des tâches domestiques en échange de nourriture, d’un logement et d’une éducation. Au risque qu’ils et elles soient victimes d’abus sexuels…

Dans la plupart des cas, au lieu de recevoir les soins et l’attention qu’ils méritent, les enfants sont contraints de travailler de longues heures et d’assumer des responsabilités qui dépassent largement leurs capacités et leurs âges.

A 10 ans, elle part travailler chez sa tante

C’est le cas de Lili*. La situation économique désastreuse de sa famille a poussé sa mère à se séparer de sa fille alors qu’elle n’avait que 10 ans. Lili a été contrainte de quitter sa maison, sa mère et ses frères et sœurs pour aller vivre chez une tante dans une autre ville.

« Ma mère pensait que c’était la meilleure chose, car elle ne pouvait pas s’occuper de tous ses enfants. Je suis partie dans l’espoir d’avoir une vie meilleure, mais tout s’est rapidement transformé en cauchemar », raconte Lili.

Tout allait bien jusqu’à ce que…

Au début, tout allait bien. Mais, après quelques mois, son cousin plus âgé a commencé à la harceler. Lili n’a pas su comment réagir, elle avait peur, elle avait honte. Plus tard, le harcèlement s’est transformé en abus sexuel. Traumatisée par ce qui se passait, Lili ne savait pas quoi faire.

« Je ne pouvais faire confiance à personne. Mon cousin abusait de moi et je me sentais impuissante. Il m’a fallu 2 mois pour raconter à ma tante ce qui s’était passé. Elle l’a mal pris. Elle a interrogé son fils, mais mon cousin n’a même pas nié les faits. Il a seulement dit qu’il était ivre cette nuit-là. Ensuite, il a menacé de me tuer parce que j’avais parlé à ma tante », raconte Lili.

Enceinte à 13 ans

Peu après, Lili a découvert qu’elle était enceinte et a été renvoyée chez sa mère. Ensemble, elles ont signalé l’affaire aux autorités et le bureau du procureur a pris des mesures pour retrouver son cousin, mais ça n’a pas été possible.

La violence sexuelle à l’encontre des filles est très répandue au Paraguay. La plupart du temps, lorsqu’une jeune fille tombe enceinte, c’est à la suite de violences sexuelles. Le pays a l’un des taux de grossesses d’enfants et d’adolescentes les plus élevés d’Amérique latine. Selon les données du ministère de la santé, au moins 2 filles âgées de 10 à 14 ans accouchent chaque jour.

Une procédure judiciaire et une thérapie

Lili s’est retrouvée impliquée dans une  procédure judiciaire visant à poursuivre son violeur. Ca a été très éprouvant. « Il était très difficile de supporter tout ce poids émotionnel », confie-t-elle.

Alors qu’elle était enceinte de 4 mois, une ordonnance de protection a été mise en place par le bureau du procureur, qui a ordonné que Lili soit transférée dans un foyer pour les filles ayant subi des violences sexuelles.

 » J’ai passé 3 ans en thérapie, ce qui m’a permis de faire de nouveau confiance aux autres. »

Le chemin a été long, mais peu à peu, Lili a trouvé la force d’affronter son traumatisme et, avec l’aide de conseiller·ères, a entamé son processus de guérison. « Ce fut un processus difficile, mais j’ai appris à m’aimer moi-même et à aimer ma fille qui m’a donné de la force et m’a montré de nouvelles voies », explique Lili.

Lili et Plan International apprennent aux filles à se protéger

Lorsque Lili a été suffisamment rétablie pour retourner dans sa communauté d’origine, elle a rejoint certaines des initiatives de Plan International France sur place et joue désormais un rôle actif dans les cours d’éducation parentale. Elle utilise son histoire pour s’exprimer et éviter à d’autres filles de vivre des expériences similaires.

Les projets de l’ONG Plan International visent à améliorer les conditions de vie des filles et des adolescentes dans les communautés rurales où elles sont plus vulnérables. En améliorant l’accès à une éducation sexuelle complète, nous visons à réduire le nombre de grossesses chez les adolescentes et les cas de violences fondées sur le genre.

Aujourd’hui âgée de 17 ans, Lili a repris ses études et espère devenir enseignante afin de protéger et d’autonomiser d’autres filles et jeunes femmes. « Je veux apprendre aux filles comme ma fille à s’exprimer pour qu’elles n’aient jamais à vivre ce que j’ai vécu.

*Le nom a été modifié pour protéger l’identité.