Laura Audouard, chargée de plaidoyer au sein de l’ONG Plan International France, s’est rendue à l’ONU pour demander que la France explicite les objectifs et les moyens financiers adossés à sa diplomatie féministe. Retour sur son intervention.

Bonjour Laura, tu es chargée de plaidoyer au sein de l’ONG Plan International France, peux-tu nous expliquer quel est ton rôle ?

Mon métier consiste à influencer et à convaincre les décideurs et décideuses politiques pour obtenir des changements positifs et durables des lois et/ou des politiques publiques relatives à la coopération internationale de la France.

Je travaille en particulier sur les axes suivants : les droits des enfants, notamment des filles, et l’égalité de genre. Au quotidien, j’interagis avec les autres ONG françaises pour élaborer et porter nos demandes auprès des pouvoirs publics, en particulier auprès du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et des parlementaires.

Tu t’es rendue à l’ONU à Genève pour rencontrer le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). Peux-tu nous expliquer ce qu’est ce comité ?

Le Comité CEDEF est un organisme de l’ONU composé d’expert·es indépendant·es chargé·es de surveiller l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dite Convention CEDEF.

Cette convention internationale, élaborée en 1979, vise à lutter contre les discriminations, les violences et les inégalités subies par les femmes et à assurer la pleine réalisation de leurs droits politiques, économiques, sociaux, culturels et civils.

À quel titre as-tu participé à la 86e session du Comité CEDEF ?

Les États signataires de la Convention CEDEF, dont fait partie la France, se sont engagés, en signant la convention, à être périodiquement interrogés par le Comité pour rendre compte de l’application de la Convention CEDEF.

Le 16 et 17 octobre 2023, c’était au tour de la France d’être examinée par le Comité CEDEF. J’étais à Genève en tant que représentante de Coordination SUD, la plateforme nationale constituée de 182 ONG françaises de solidarité internationale. Mon rôle était de porter nos demandes auprès du Comité CEDEF de l’ONU.

En quoi ont consisté pour toi les journées du 16 et du 17 octobre 2023 devant l’ONU ?

Le 16 octobre, j’ai présenté nos recommandations aux membres du Comité CEDEF qui allaient interroger la France le lendemain. Le but était d’influencer les questions posées par le Comité pendant l’audition de la France afin qu’au moins une question porte sur la diplomatie féministe française.

Le 17 octobre, les expert·es du Comité ont interrogé la délégation de la France, présidée par Bérangère Couillard, ancienne ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Les questions ont porté sur les politiques nationales, mais également, et ce pour la première fois, sur l’action de la France via ses politiques internationales, dont sa diplomatie féministe.

Quelles sont les demandes que tu as portées au nom de Coordination SUD ?

Depuis 2019, la France revendique mener une diplomatie féministe et œuvrer pour l’égalité de genre dans toutes les dimensions de la politique de coopération internationale de la France.

Le problème, c’est, qu’aujourd’hui, cette diplomatie féministe manque de clarté : elle n’est pas formellement définie par la France. De plus, elle n’est pas dotée d’un budget suffisant.

Au nom de Coordination SUD, j’ai demandé devant l’ONU que la France explicite les objectifs et les moyens financiers adossés à sa diplomatie féministe, et qu’elle mette en place un cadre de suivi de ses actions.

Cet examen était aussi l’occasion de rappeler l’importance de garantir les droits des filles et des adolescentes, dans toute leur diversité, encore trop souvent oubliés aujourd’hui. 

Plus concrètement, que peut faire la France ?

L’ONG Plan International France, ainsi que Coordination SUD, appellent la France à :

Quelles ont été les conclusions du CEDEF ?

Après l’examen de la France, le Comité a rédigé des recommandations que la France a pour obligation de mettre en œuvre d’ici son prochain examen dans plusieurs années. Nos recommandations quant à la diplomatie féministe française y figurent. La France doit maintenant :

Quelle analyse dresses-tu de ce plaidoyer et quelles seront les suites à donner pour Plan International France ?

C’est un plaidoyer réussi !

Les observations finales du Comité CEDEF font écho aux recommandations de Coordination SUD.

Actuellement, la France élabore sa première stratégie internationale dédiée à sa diplomatie féministe. L’ONG Plan International France travaille étroitement avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour nourrir l’élaboration de cette stratégie, et nous continuerons à veiller à ce que la France porte une diplomatie féministe ambitieuse, qui fait une priorité de la défense des droits des filles et des adolescentes dans toute leur diversité.

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